Ecstasy de Murakami Ryû

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Murakami Ryû nous a habitués à un univers sombre, décadent où les personnages pervers, déambulant entre leur peur et le mal-être, gardent une part d’innocence. Ecstasy va plus loin. Les personnages consomment leur corruption avec la délectation de l’artisan qui cherche l’excellence. La déchéance est un acte sanctifié, la dépersonnalisation un hommage au vice. Miyashita n’arrive pas à attirer la sympathie et madame Kataoka en prêtresse du sadomaso est odieuse. C’est une plongée dans un monde qui me révulse et je n’ai pas réussi à continuer au-delà de la page 163 – et pour arriver jusque là, je me suis “accrochée”.
J’ai ingurgité en quelques heures – et une nuit – les 163 premières pages et les suivantes de “Ecstasy”, le premier volet d’une trilogie à paraître en 2003 et 2004. N’étant “addicted” d’aucune des substances ingérées dans cet ouvrage, ni adepte du SM, j’ai compris la réaction épidermique de Sophy. Anticipant l’émotivité de certains de ses lecteurs, Murakami, manipulateur, leur donne une clef p 162 : “Il y a deux ans, j’ai découvert votre oeuvre. Elle m’a profondément choquée au début, j’ai même eu du mal à supporter un spectacle jusqu’au bout, puis j’ai eu soudain l’impression que quelque chose s’éveillait à nouveau en moi.”. Mais plutôt que de se retrouver en pleine lumière, on entre dans un trou noir (voir Reiko ou le destin de celle qui a écrit cette lettre). Ecstasy laisse peu d’espace pour souffler, Maître Murakami décrit sans rien nous épargner le lent mécanisme de l’asservissement, l’abandon de la raison et la recherche extrême du plaisir. Cruel, le jeu de pistes se grippe parfois, et la belle mécanique par trop ostentatoire frôle l‘overdose : accumulation de références occidentales littéraires, musicales, cinématographiques, … ou les fameux cours de cybernétique.

Ecstasy est une fusion entre la musique industrielle, “Tokyo Decadence” son film, “L’Empire des Sens” et une version trash de “Raffles Hotel”. Le cyberpunk Shinya Tsukamoto pourrait s’exprimer ainsi : dépassons le récit, délaissons le fond pour nous intéresser à la forme, même si on atteint la limite.

Éditeur : Philippe Picquier

Pays : Japon

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