Chaque année, le septième mois du calendrier taoïste se vit sous le signe de la crainte du surnaturel. C’est la période des HUNGRY GHOSTS (les “Fantômes Affamés”), le moment de flottement entre deux univers théoriquement distincts, celui des vivants et celui des morts. Durant le septième mois, les portes des Enfers s’ouvrent et laissent errer d’innombrables fantômes affamés, pas vraiment aimables mais il faut faire avec… À Singapour, la communauté sinophone, particulièrement celle originaire du Sud de la Chine, ne badine pas avec les esprits. Il s’agit de cohabiter avec ces entités infernales et surtout de ne pas les irriter, car on pourrait être maudit, perdre sa santé ou, pire encore, voir son business péricliter.
2006 est une année particulière car, en raison d’un tortueux calendrier, il y a non pas un, mais bien deux septièmes mois d’affilée, soit environ cinquante jours, du 25 juillet au 21 septembre 2006. Il y a donc deux nuits de rituels, les 25 juillet et 7 août. De fait, l’activité de l’île de Singapour s’en voit affectée, puisque une partie de la population se garde de faire trop d’affaires, d’acheter de nouveaux locaux, de déménager, de voyager trop loin, de signer d’importants contrats et aussi de se marier – c’est d’ailleurs dans ce dernier domaine que les deux septièmes mois semblent avoir l’influence la plus notable -.
Si ce rituel des Hungry Ghosts est assez pratiqué parmi la diaspora cantonaise de par le monde, ainsi qu’à Hong-Kong, à Taiwan et dans certaines enclaves sinophones de Malaisie (comme Penang et Malacca), la Chine Populaire l’ignore en général, le gouvernement se méfiant des superstitions. C’est assurément à Singapour que les Hungry Ghosts sont le plus respectés, ce micropays équatorial étant le seul à observer religieusement les rituels, du premier au dernier jour.
Chat errant repu après avoir dévoré des offrandes, sur Ann Siang Road. Merci les Hungry Ghosts !
Textes et photos Etienne Dessaut (9 août 2006)
Pays : Singapour