On savait le milieu du show business très vite enclin à rejeter ce qu’il avait adoré auparavant. En conséquence de quoi, pour les artistes, comment trouver un moyen de perdurer ? C’est ce que nous conte le prix Nobel de littérature 2017, Kazuo Ishiguro au travers de deux denses nouvelles.
La première nouvelle voit un crooner sur le retour, Tony Gardner, obligé de divorcer. Même s’il aime encore sa femme, il se doit de trouver une épouse plus jeune pour relancer sa carrière. Mais avant le fatidique évènement, il donne une sérénade en pleine nuit à sa bien (mal)-aimée avec un guitariste. C’est en fait le narrateur, confident rencontré sur la place Saint-Marc à Venise, quelques jours plus tôt.
Dans la seconde nouvelle, un saxophoniste de jazz, génie méconnu, suit les conseils de son manager pour « être en première division » comme il dit. Pour cela, il doit se faire refaire le visage tellement « il est laid comme un loser. ». Une fois l’opération passée, il se retrouve en convalescence dans un hôtel chic avec pour voisine l’ex épouse du crooner de la précédente nouvelle devenue vedette people. L’essentiel du récit s’attache à nous décrire ces deux êtres esseulés qui se cherchent et se repoussent au travers diverses rencontres nocturnes dans ce grand hôtel qu’ils ne peuvent quitter.
Ces deux nouvelles à la tonalité très différente sont tirées du seul recueil de nouvelles de l’auteur anglo-japonais : Nocturnes, Cinq nouvelles de musiques au crépuscule (1).
La première adopte un ton assez pathétique où le crooner vend son âme au diable pour rester dans la lumière plutôt que de se contenter de l’anonymat de son amour. La seconde est traitée de façon plus humoristique voire burlesque. Comme lorsque l’héroïne cache la statuette d’un prix dans une dinde afin d’échapper à l’agent fédéral qui la soupçonne de vol !
Une bonne entrée en matière pour qui veut se plonger dans l’œuvre de Kazuo Ishiguro. D’autant que ces deux nouvelles sortent simultanément en Folio bilingue pour les amoureux de l’anglais et en Folio à 2€ pour les fauchés !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Crooner – Nocturne, Kazuo Ishiguro, traduit de l’anglais par Anne Rabinovitch, 272 p., 7,50€, Folio bilingue, Exixte aussi en Folio à 2€.