Yuasa Makoto explore la pauvreté dans un pays qui fut longtemps la 2ème économie mondiale et qui reste un des pays les plus riches : le Japon. Docteur en sciences politiques, l’auteur explique, dans sa théorie qu’il nomme « société toboggan », les 3 filets qui sont censés garantir au citoyen une protection qui devrait lui permettre de ne pas sombrer. Le 1er est le principe de l’emploi à vie qui garantit à un employé une situation pérenne au sein de la société. Mais il tend à disparaître. Le 2ème est la sécurité sociale qui garantit un revenu minimum pendant un temps qui correspond à notre assurance chômage. Le 3ème est la « Protection vitale » : sorte de revenu minimum qui permet à peine de survivre dans une société où tout coûte extrêmement cher.
La société japonaise, dans son ensemble, veut croire que la situation des individus qui coulent tient de leur pure responsabilité. Au contraire, Yuasa Makoto démontre que l’exclusion est essentiellement le fait de la société. 5 paramètres, qui, lorsqu’ils se cumulent font perdre pied. L’exclusion scolaire d’abord : les études sont payantes et chères. A l’emploi ensuite : quand on n’est pas diplômé ou peu qualifié, on a des emplois de journaliers donc extrêmement précaires. A l’aide familiale : les jeunes qui partent de chez eux ou les vieillards sans plus personne se retrouvent totalement démunis. A l’aide sociale où des guichetiers zélés refusent d’accorder des droits aux demandeurs alors que c’est légal ! A soi-même enfin, quand la désespérance et le nihilisme prennent le dessus : un tiers des suicides, au Japon, est dû à une raison économique.
Yuasa Makoto se bat depuis toujours pour sortir les gens de la rue. A travers une association : Moyai, il reçoit les exclus et se charge de les aider par des cautions pour avoir un appartement, l’inscription aux aides sociales, l’aide juridique en cas de litige avec la société qui leur refuse leurs droits ou bien avec un employeur indélicat. Il est même allé jusqu’à se faire embaucher comme journalier pour être au cœur du système d’exploitation patronale !
A la fois intellectuel et homme d’action c’est un lanceur d’alerte increvable ! Son essai est percutant, il met au jour les différents mécanismes d’exclusion mais aussi les moyens pour les contrecarrer. C’est à la fois un regard acerbe sur la société néolibérale japonaise qui en dit aussi long sur l’économie mondiale. Mais le livre date de 2008 déjà ! On attend un complément sur les 10 ans qui nous en séparent.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Contre la pauvreté au Japon, de Yuasa Makoto, traduit par Rémi Buquet, éditions Philippe Picquier, 272 p., 20,50€, en librairie le 3 janvier 2019.