Quelle bonne idée a eu Carlotta de rassembler dans un coffret (1), 5 films du cinéaste japonais Mikio Naruse. S’il est moins connu que Kurosawa, Mizoguchi ou Ozu, il est cependant leur égal et mérite la découverte. A partir des années 50, il se spécialise dans la peinture du quotidien des gens de la classe moyenne. D’une facture réaliste, parfois poétique, ses films mettent sobrement en scène de magnifiques portraits de femmes. Épouse dévouée et totalement soumise dans Le Grondement de la Montagne, adapté de Kawabata ; geishas dans Au Gré du Courant, hôtesse de bar libérée dans une société conservatrice dans Quand une Femme Monte l’Escalier, veuves fidèles au-delà de la mort de leur époux dans Une Femme dans la Tourmente et dans son dernier film : Nuages Épars ; elles tentent toutes de s’affirmer dans une société encore corsetée. Tout à la fois chroniques sociales et mélodrames, les films de Naruse ont toute leur place dans notre Panthéon japonais d’autant qu’ils sont portés par les grandes actrices de l’époque qu’on retrouve chez Yoshida comme Mariko Okada qui sera sa muse ou chez Ozu comme Setsuko Hara.
Une autre bonne idée est la restauration et nouvelle réédition de La Dame de Shanghai (2). Elle a encore fait sensation au festival Lumière de Lyon, en octobre dernier, en présence de Peter Bogdanovich, cinéaste et ami de son réalisateur et acteur Orson Welles ! La Dame de Shanghai est en effet un film qui a connu une évolution hors du commun puisque, de « film mineur », il est passé à « chef d’œuvre » aux multiples scènes devenues cultes. C’est bien sûr la présence inspirée de ses 2 acteurs principaux : la femme fatale et vénéneuse Elsa Bannister (Rita Hayworth), épouse d’un homme aussi riche qu’il est laid, et du marin Michael O’Hara (Welles himself !). Séduit d’emblée par la blonde fatale, il sent venir le danger. Mais il finit par accepte d’accompagner le couple et son sinistre associé dans une croisière torride dans les Caraïbes. Il est alors entraîné sans une vaste histoire de fraude et de meurtre jusqu’à cette scène finale d’anthologie des miroirs qui se brisent.
Film noir autant que film d’aventures, c’est un pur chef d’œuvre de cinéma qui ne cesse d’enchanter de nouveaux spectateurs depuis 1948. Il ne faut pas hésiter à choisir la version augmentée de compléments tous judicieusement choisis tel l’entretien avec Peter Bogdanovich. Il y a aussi une analyse très éclairante du film par Simon Callow, auteur d’une biographie en plusieurs volumes sur Orson Welles.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) Coffret 5 DVD ou 5 Blu-ray, Carlotta Films, 49,99€, sortie le 21 novembre.
(2) Coffret DVD + Blu-ray + livre, Carlotta Films 49;99€ ou édition simple 19,99€. Sortie le 14 novembre.