Coffrets Kinji Fukasaku de Kinji Fukasaku

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Deux coffrets offrent la possibilité de découvrir une partie inédite de l’œuvre du cinéaste Kinji FUKASAKU, débarqué chez nous avec le très controversé Battle Royale en 2000. Il nous revient avec Guerre des Gangs à Okinawa, Okita le Pourfendeur, Combat sans Code d’Honneur et le Cimetière de la Morale, films réalisés entre 1971 et 1975.
A noter, les commentaires de Quentin Tarantino – bien qu’assez prévisibles, on peut y trouver son compte – et ceux du réalisateur lui-même. Il s’agit d’un éclairage intéressant de son travail, d’autant plus que le grand homme nous ayant quitté il y a quelques mois, il n’éclairera plus ni le cinéma en général, ni le sien en particulier.
Guerres des Gangs à Okinawa (1971) met en scène des Yakusa, mais ce sont les dysfonctionnements de la société d’après-guerre toute entière qui en ressortent, dans une période où la violence apparaît comme la seule finalité d’une telle misère. A grands renforts de jazz, de voix-off et d’arrêts sur image, le cinéaste filme les Japonais dans un pays qui ressemble plus à un lieu de villégiature pour Américains qu’à la contrée du Soleil Levant avec ses cerisiers en fleurs et ses kimonos… Des Américains à ne plus savoir qu’en faire justement, clients des cabarets, présents sur toutes les enseignes, et, de tous les trafics, la Police Militaire n’est pas en reste.
L’année suivante, Okita le Pourfendeur reprend les mêmes effets stylistiques pour pointer du doigt les perversions d’un système où le peuple, dépossédé de son propre pays, se retrouve désorienté et désespéré dans un environnement qu’il ne reconnaît plus. Les conséquences d’une telle situation, comme le film, font des ravages…
Combat sans Code d’Honneur (1973) n’est guère plus enthousiaste, mais Fukasaku va plus loin. Première image du générique sur une photographie du champignon atomique d’Hiroshima, première scène montrant le viol d’une Japonaise par des soldats américains, mieux vaut être prévenu. Les Yakusa évoluent dans le chaos complet, et se promener en costume trois pièces dans les bas-fonds ne rend pas leurs activités plus élégantes. Le pays, ravagé tant économiquement que psychologiquement par la défaite puis l’occupation, survit laborieusement. Quant à la pègre, manipulée par les politiciens, ses tentatives de retour aux sources donnent lieu à des scènes tragi-comiques pour le moins grotesques – mieux vaudrait laisser les traditions de côté quand on ne se souvient plus de ce à quoi elles servent.
Le Cimetière de la Morale (1975) achève littéralement l’image de la mafia Nippone. Le film s’articule autour d’Ishikawa, Yakusa solitaire et incontrôlable. Kinji Fukasaku reprend l’idée du samouraï errant. Non seulement il transpose le récit au XXe siècle, mais il fait aussi exploser les codes du genre. Il utilise une fois de plus le polar avec les outils habituels du genre et de l’époque, base de laquelle il s’échappe rapidement. La frénésie de la mise en scène permet au cinéaste d’aller plus avant dans la tragédie.

Si le cinéma de Kinji Fukasaku présente tout de même les marques des mutations esthétiques de son temps, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un cinéma porté par un élan novateur. Un élan novateur destiné à porter les stigmates d’un pays incapable de renoncer à son passé et dont l’âme se dilue peu à peu dans le présent de l’après guerre, un présent qui n’est pas le sien.
Kinji Fukasaku se fait le témoin d’un peuple qui vit sur des cendres, sans réussir à en renaître.

Éditeur : Wild side Video

Pays : Japon

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