Singapour, voilà une cité-Etat bien particulière. Ancienne colonie britannique située à l’extrême pointe sud de la Malaisie, elle est indépendante depuis 1965. Sa population se compose de trois ethnies principales bien que quantitativement très inégales. La chinoise très majoritaire, l’indienne et la malaise. Quatre langues et autant de religions saupoudrent cette île de complexité. Puissance économique notable, elle est gouvernée de façon assez autoritaire mais se considère comme une démocratie.
C’est dans ce pittoresque petit coin du monde qu’Alain Guilldou nous convie à côtoyer quelques-uns des électrons libres qu’il met en scène. En effet, bien loin des stéréotypes plaqués sur cette ville : matérialisme et hypercompétitivité, il nous conte, sur un ton très décontracté, les étonnantes aventures de ses héros et héroïnes.
Avec seulement trois nouvelles, il réussit à nous faire visiter et apprécier cet État qu’il connaît bien. Toutefois, ce sont les individus avec lesquels ils jouent qui le passionnent. Tout autant que les histoires aussi cocasses qu’inventives dont il se sert pour amadouer son lecteur et mieux le ferrer avant la chute.
Dans la première nouvelle, un étrange tatouage dans le dos d’un jeune homme conduit celui-ci à envisager de devenir célèbre avec cette étrange apparition qu’il n’a pas voulue. Mais c’est sans compter sur sa petite amie, d’origine écossaise par sa grand-mère. Ce qui lui confère certain pouvoir dont il sera la dupe.
La deuxième histoire est plus sage. Elle nous conduit dans un hôpital où Shu Ying la sœur de Loon, le protagoniste, doit se faire opérer. Là, il invente un stratagème pour résoudre un impossible challenge qu’elle veut lui voir accomplir depuis longtemps. C’est sans compter sur l’espièglerie ou la malignité de Shu Ying à son réveil.
Et pour terminer, dans la troisième narration, l’auteur nous entraîne dans un restaurant chinois bas de gamme où un jeune homme est attiré par une étrange jeune femme infirme. Elle circule en fauteuil roulant et lui demande de la conduire vers la mer. Alors que lui préférerait l’emmener au septième ciel, plutôt. Toutefois, l’étrange chute de Notila, l’héroïne, fait comprendre à l’homme que l’amour entre eux peut s’affirmer tout autrement.
Bien que les intrigues soient assez irréelles, pour notre plus grand plaisir, d’ailleurs, chaque histoire nous captive par sa cohérence narrative et sa perspicace drôlerie. L’auteur nous conduit à tourner les pages avec gourmandise. Il réussit le tour de force de nous immerger dans un monde bien réel tout en introduisant subtilement du fantastique ou de la sorcellerie moyenâgeuse. Un régal !
Pour finir, on remarquera le ton féministe du recueil. Cependant, loin d’un esprit revanchard, il s’appuie sur une grande subtilité humaine. Ainsi, Il nous confirme que les femmes ne s’en laissent pas facilement conter dans ce pays rigide. Qu’elles ont des armes subtiles dont l’efficacité rééquilibre les tentations machistes de leurs compatriotes mâles.
Ces trois nouvelles, trop vite lues, nous ont mis l’eau à la bouche. On en redemande !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
C’est arrivé à Singapour d’Alain Guilldou , 110p. ,12€, éd. Gope. En vente sur www.gope-editions.fr