BACK STREET GIRL volume 1 de Jasmine GYUH

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Le boss du clan mafieux Inugane est contrarié suite à une faute conséquente commise par trois de ses lieutenants : Kazu, Ryo et Grand Frère. Tous trois le supplient de leur accorder le pardon, en étant prêt à accepter n’importe quoi. Et ça tombe bien, car le boss s’est mis en tête d’envahir un nouveau secteur qui rapporte : celui des… idols. Ainsi les trois compères acceptent et, par la magie d’opération de chirurgie en Thaïlande, deviennent trois mignonnes jeunes filles formant un groupe musical : les Gokudolls (« gokudo » se référant à la voie empruntée par les yakuzas). Au terme d’un long entraînement physique et mental, ils (ou elles) finissent par connaître la notoriété…

Après le succès de Prison School, les éditions Soleil ajoute à leur catalogue un nouveau titre à l’humour irrévérencieux : Back Street Girls. Publié depuis 2015 au Japon, cette série signée par Jasmine Gyuh s’inscrit dans un registre « WTF?! » et aurait pu d’ailleurs figurer dans la collection éponyme chez Akata, aux côtés d’un Ladyboy vs Yakuzas dont il reprend une partie du concept : celui de la punition mafieuse par changement de sexe. La différence étant que les corps ne sont pas l’objet du même désir. Si le malheureux héros du titre précédent fuyait une bande de violeurs, nos trois idols vendent leur corps et leur image de manière plus soft, mais tout aussi malaisante.

Back Street Girls se décompose en une série de chapitres très courts, et relativement indépendants entre eux, proposant chacun une nouvelle situation humoristique. La plupart de ces scènes reposent bien entendu sur le clivage entre l’apparence kawai des idols et leur comportement de yakuza viril, jambes arquées, picolant, fumant, jouant au hanafuda… mais le conditionnement mental et leur nouveau corps ont laissé des séquelles qui provoqueront souvent en eux des émois dissonants. Il ressort de tout ceci un sentiment fort glauque et malaisant, voire insupportable pour qui prendrait le titre au premier degré. Et même si chaque illustration de début de chapitre nous présente l’un(e) de trois idols sous une pose digne d’un magazine, l’aspect fan-service est souvent contrebalancé par la réapparition des anciens visages des personnages, témoin de leur virilité détonante. Ainsi, les séances de pelotage collectif deviennent profondément malsaine, et les quiproquos générés par le contraste  et interne/externe deviendront particulièrement attendus et redondants. Les chapitres 7 et 11 sortent toutefois du lot, en proposant des chutes plus inattendues.

Le malaise est d’autant plus prédominant que le trait de Jasmine Gyuh s’avère maladroit et hésitant. Problèmes de proportions, visages irréguliers aux yeux qui louchent, cadrages et décors plats,… si certains titres du même acabit assument un graphisme grotesque pour accentuer l’effet comique (on pensera à Ladyboy, voire à Detroit Metal City pour ceux qui s’en souviendront), ici le dessin semble  au contraire tendre vers un style classique, et ses maladresses desservent le récit plus qu’autre chose.

Quand l’on arpente le registre de l’humour trash, il faut savoir y aller à fond. Et pour l’heure, Back Street Girl reste malheureusement trop en surface pour assumer son délire. Il en découle donc un résultat maladroit, grinçant, car trop proche de la réalité. Le titre gagnerait en efficacité avec des personnages encore plus caricaturaux et des dialogues plus percutants (doit-on l’imputer à l’adaptation ?), pour l’instant il ne fait que présenter des lamentations répétitives, suscitant plus d’empathie que de moquerie. Ainsi, les séquences ne sont pas aussi drôles qu’elles le devraient, et la lecture oscille entre ennui et consternation, malgré quelques fulgurances éparses. Il va falloir en donner plus que ça, mess… mesdemoiselles !

Alain Broutta

BACK STREET GIRL (Back Street Girls – Washira Idol Hajimemashita) volume 1 de Jasmine GYUH (2015)

Humour, Japon, Soleil Manga – Seinen, mai 2017, 160 pages, livre broché 7,99 euros.

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