On ne présente plus le chef de file de la Nouvelle Vague taïwanaise. Hou Hsiao Hsien a acquis, en effet, une envergure internationale. Wong Kar Wai, lors de sa venue à Lyon pour le festival Lumière, en octobre dernier, disait encore son admiration pour la virtuosité de son dernier film : The Assassin.
Avec ces 6 films de jeunesse des années 80, on est bien loin du Wuxia mais beaucoup plus dans une veine très personnelle puisque, excepté deux incursions dans la comédie romantique très rafraichissante avec Cute Girl et Green Green Grass, ce sont ses propres souvenirs de jeunesse bruts qu’il nous livre avec des films autobiographiques. Les Garçons de Fengkuei raconte sa vie de petit délinquant multipliant les « 400 coups » avec sa bande d’amis, d’abord dans leur petit village de pêcheurs tranquille puis dans la grande ville dans le sud de l’île de Taïwan (sa famille a déménagé en 1947, l’année même de sa naissance, lors de la guerre civile en Chine). Les films de Truffaut l’ont beaucoup marqué lors de ses études cinématographiques qu’il commence après son service militaire, sa passion du cinéma lui étant venue à ce moment-là. Avec Les garçons de Fengkuei on pense aussi aux Vitelloni de Fellini.
C’est avec cette veine autobiographique que naît le style épuré et contemplatif d’Hou Hsiao Hsien. Ne cherchant pas les effets, il essaie de coller au plus près de la réalité, d’où l’utilisation du plan fixe souvent, de l’absence quasi-totale de musique aussi. Il prend le temps de s’imprégner d’un paysage, d’un quartier, d’une sensation ou d’un sentiment. Un temps pour vivre, un temps pour mourir nous fait découvrir la vie de sa famille après le déménagement de ses parents pour un climat plus clément car son père est asthmatique. Bientôt atteint de tuberculose, il décline de jour en jour. Sa grand-mère, au contraire, est une petite femme vive qui fait de lui son enfant chéri et son soutien indéfectible. Magnifiques scènes de cet exil choisi mais aussi subi : la grand-mère fait toujours le même rêve de retourner sur le continent… Chronique sensible sur le passage à l’âge adulte, sur la transmission entre les générations.
Un pas de plus encore dans la maturité du style avec Poussières dans le vent. Hou Hsiao Hsien dit lui-même : « J’ai enfin compris que lorsqu’on filme, que ce soit une personne ou une chose, il émane de ce que l’on filme un sentiment. Mon travail de cinéaste est simplement de saisir le sentiment qui émane de ce que je filme. » Autre chronique de fin d’adolescence, qui clôt le cycle autobiographique du cinéaste, vue, cette fois-ci, sous l’angle amoureux avec toutes ses déconvenues et le chagrin qui en découle. Même thème récurrent du va et vient campagne /ville. Le film commence par un long plan du mouvement du train traversant des frondaisons luxuriantes et lumineuses. Comme un leitmotiv, le train rythme les agissements des personnages, les dicte même et devient le réceptacle de leurs émotions.
A ce programme que l’on a pu voir en salles l’année dernière s’ajoute La fille du Nil, de 1987. « J’ai construit cette histoire contre la prospérité grandissante de Taïwan et le problème que pose le développement d’une métropole. Certaines personnes profitent de ce changement social, d’autres non. » ainsi HHH présente-t-il cette œuvre. Il y filme la capitale et sa jeunesse qui se perd à trop vouloir profiter du mirage économique. Beau portrait de cette jeunesse perdue.
Ce qui reste de ces films rares c’est la trace fugace de la jeunesse et des émotions qui lui sont propres, c’est aussi l’empreinte des lieux et de leur singularité.
N’oublions pas les bonus qui sont tous d’une grande qualité dont cette analyse de Jean Douchet sur les 5 premiers films cités. A travers des extraits choisis, il met en lumière les thèmes et la grammaire cinématographique du cinéaste.
Un très beau cadeau à l’approche des fêtes !
La fille du Nil