Tokyo, fin 1945, la Pax Americana vient de s’emparer du Japon. C’est la fin du monde du type Meiji au niveau culturel et financier. Soleil couchant, c’est le terme qu’emploie Dazai pour désigner les aristocrates qui sont voués à disparaître car inaptes à s’adapter aux nouvelles normes de la société japonaise, américanisée. La mère de Kazuko, la narratrice, fait partie d’une grande famille déchue et est obligée de quitter Tokyo pour s’exiler dans la péninsule d’Izu. Elle y loue un petit chalet dans un village perdu avec sa fille. Inexorablement, elle se détache de ce monde bien que sa fille cherche à la retenir en tentant de l’intéresser à de menus travaux de couture ou de jardinage, ou à la vie du village. Seule l’arrivée de son fils Naoji, de retour d’Asie du sud-est où il était soldat, la sort de sa torpeur.
Le roman raconte, à travers ces 3 personnages, l’acceptation ou non de ce nouveau monde qui émerge de la guerre. La mère et le fils, chacun à sa façon, y renoncent tandis que Kazuko décide d’avoir un enfant pour se lancer dans l’aventure du Japon nouveau. Sans éclat apparent, le style nous campe au quotidien, la réalité et l’intériorité des personnages. C’est une narration d’abandon qui cherche l’espoir d’un renouveau. C’est ce qui peut dérouter le lecteur qui se demande où l’auteur veut en venir. Il s’agit là d’un texte profondément personnel pour Dazai qui y a parsemé de nombreux détails autobiographiques notamment dans cette magnifique lettre que le fils écrit avant son suicide. L’auteur s’est lui-même suicidé en 1948, un an après la parution de ce roman.
La traduction de Didier Chiche rend bien compte de la contradiction entre l’inertie apparente de ces destins et la vigueur, voire la frénésie toute moderne de l’écriture de Dazai Osamu : phrases sans verbe, langue chaotique, dialogues atemporels…
A découvrir ou redécouvrir.
Camille DOUZELET
Soleil couchant, Dazai Osamu, Les Belles Lettres, collection L’Exception, traduit et présenté par Didier Chiche, 176 pages, 23 euros.