On aime lorsque les livres lus sortent en même temps ou presque que le livre papier. Merci donc aux éditions Gallimard et à sa collection « Ecoutez lire » !
Numéro un des ventes depuis sa sortie en août dernier, sujet aussi à polémique et en bonne place sur la liste du prix Goncourt Yoga a tout pour attirer l’attention. Sans compter son sujet-titre. Emmanuel Carrère l’a beaucoup dit en interview : « c’est l’histoire d’un livre sur le yoga et la dépression. La méditation et le terrorisme. L’aspiration à l’unité et le trouble bipolaire. » C’est intrigant car on ne voit pas trop le lien entre ces différents sujets et pourtant l’auteur les aborde au long des presque dix heures de lecture.
Et l’on est bien heureux de les entendre lues par l’acteur Thibaut de Montalembert qui restitue fort bien « le ton » de « conversation familière » que revendique l’auteur. Mais comme souvent dans les conversations, le roman saute du coq à l’âne. De nombreux petits chapitres s’articulent autour d’un souvenir, d’une notion. On passe de l’un à l’autre par le principe de l’analogie. Le lien étant notre auteur narrateur personnage souhaitant à la fois écrire « un petit livre souriant et subtil sur le yoga » et raconter sa dernière dépression sévère qui l’a presque conduit au suicide.
On a l’impression d’un collage de notes prises à différentes époques et sur différents événements. Carrère en parle d’ailleurs lorsqu’il est sur l’île de Leros après son séisme. Il y co-anime un atelier d’écriture pour réfugiés syriens. « Je rassemble les fichiers disparates » en vue du livre à venir. Il concède même : « On assemble, on ajoute… Et puis ça ne ressemble pas à ce qu’on avait prévu. »
Carrère se targue de vouloir faire de la littérature, il ne veut pas écrire un livre qui se retrouverait sur les étagères d’une librairie au rayon « développement personnel ». Cependant le compte n’y est pas ! Tout juste des notations, des définitions, des citations, des expériences personnelles. On croule sous les faits de tous ordres comme s’il voulait tout embrasser, occuper tout l’espace…
Sans doute met-il en action ce dont il parle : « c’est le voyage qui compte, pas la destination. Le chemin est le but ». Ou bien retrouve-t-il l’essence même du yoga : « le fait d’assembler ensemble deux chevaux ou deux buffles ». Autrement dit « vouloir le beurre et l’argent du beurre, ne pas choisir » Peut-être aurait-il mieux valu le faire l’un après l’autre et construire ainsi deux œuvres littéraires…
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Yoga, Emmanuel Carrère lu par Thibaut de Montalembert, 1 CD mp3, 21,90€, collection Ecoutez lire, éd. Gallimard, depuis le 22 octobre en librairie.