Le philosophe et mathématicien perse Omar Khayyâm (1048-1131) s’est aussi essayé à la poésie. Mais ce n’est que soixante-dix ans après sa mort que commence la diffusion de ses fameux robâïs (quatrains). En effet, pendant son existence ils restent secrets. Et pour cause : ils vont à l’encontre de la théologie musulmane sous le sultan seldjoukide Malek Shah, son protecteur.
Sans honte ni hypocrisie, il ne cache pas son attirance pour les plaisirs matériels. Ses poèmes traitent ainsi de la beauté des fleurs ou de celle d’objets simples. Il ne rejette pas non plus le bon goût du vin, pas plus que la bonne compagnie, qu’elle soit féminine ou masculine. Toutefois, si on s’en tenait à ses considérations bacchiques, il n’y aurait pas lieu de le glorifier. Mais il va bien au-delà. En effet, s’il professe un « carpe diem », c’est du fait de notre nature mortelle. Nous ne sommes que la glaise de pichets de vin par lesquels il se délecte, nous dit-il.
Pour lui la vie n’a pas de sens. Il ne voit donc pas pourquoi il doit se plier devant un Dieu qu’il n’observe nulle part dans l’espace. N’oublions pas qu’il est aussi astronome. Pire encore, face aux donneurs de leçons religieux, il ne compte pas plus se soumettre même s’il reconnaît commettre quelques blasphèmes ou pêchés. Pas plus qu’il ne recherche la gloire ou la puissance, ses plaisirs simples le comblent bien au-delà de ces prétentieuses aspirations. De toute façon, la seule chose dont l’être humain est sûr, c’est qu’il est voué à retourner à la terre. On est impressionné d’une telle modernité chez ce penseur médiéval !
On a donc affaire à une poésie assez aisée à lire. L’écriture en est simple et directe. Les thèmes sont peu nombreux. Ils sont bien cernés par la multitude de points de vue de cette centaine de quatrains qui raviront le lecteur épris de sincérité. Les images sont fortes et nullement passéistes. Sans nous donner des réponses aux grandes questions métaphysiques de l’humanité, ces poèmes nous comblent par une pensée sage et apaisante, somme toute.
Notons que ce bel esprit est édité en Folio Sagesses. Cette collection rassemble plusieurs ouvrages de poètes asiatiques tels que Rabindranath Tagore avec Par les nuées de Shrâvana et autres poèmes ou Ryôkan avec Ô pruniers en fleur. Et cela à petits prix. À suivre donc.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Vivre te soit bonheur ! Cent un quatrains de libre pensée d’Omar Khayyâm, 112 pages, 3,50€, Folio Sagesses.