« Je vais et je viens dans les plaines de loess, appareil photo à la main.
J’essaie d’interpréter, sous un angle simple, la mentalité du peuple ordinaire, et de dépeindre, sans fioritures, l’aspect de la campagne. C’est à cette tâche que je me suis dévoué corps et âme pendant vingt ans.
Je me suis déplacé dans les champs, tel un agriculteur, durant les semailles au printemps ou les récoltes en automne. Je me suis intégré à la vie des paysans, avec qui j’ai passé le nouvel an, je suis allé à la foire et j’ai dormi sur le kang. Dans le train, j’ai côtoyé des moissonneurs que j’ai suivis au champ. Avec les travailleurs migrants, je suis allé sur les chantiers, dans les mines et dans leurs cabanes. J’ai observé des paysans nourrir les cochons devant une église, forger le fer sous la croix, dire adieu aux défunts dont les dépouilles étaient placées dans un cercueil décoré de motifs religieux peints. J’ai pu mesurer l’âpreté de l’existence des travailleurs et leur lutte acharnée pour gagner leur pain. Je les ai vus boire l’eau amère, puisée dans des puits creusés à plusieurs dizaines de mètres sous la terre. J’ai aussi assisté à des scènes de la vie quotidienne des paysans, jouant à la balançoire à la morte saison, ou vu un couple lors de son mariage, une couverture sur le dos, priant le ciel et la terre.
Je dirais pour résumer que j’admire chez ces Chinois de la terre jaune l’abnégation et la persévérance, en quelque circonstance que ce soit. Humbles et fiers, craintifs et philosophes, tels sont les qualificatifs qui décrivent le mieux leur attitude dans la vie.
Les Chinois se réunissent à l’église et à la foire. Quand surviennent des circonstances dont la solution leur apparaît hors de portée – conflit de voisinage, stérilité d’une femme, intégration à l’université, ascension professionnelle – ils ont recours à des cérémonies religieuses ou font brûler de l’encens. Il s’agit là de symboles identiques, qui représentent un objectif de la vie, un motif pragmatique de l’existence, un détail de la journée.
Les vicissitudes de la vie sur la terre jaune ont laissé leur empreinte sur l’existence des chinois. Certains moments historiques ont permis de faire resurgir leur tempérament sanguin, la trajectoire de leur vie et ont favorisé la transmission de leur culture. Par conséquent, le retour à la terre jaune revient à approcher le peuple dans son aspect le plus ordinaire et à toucher de près la réalité chinoise.
Devenir un photographe constitue pour moi une sorte de violation des droits des photographiés. Comment osé-je prétendre aux honneurs par la création d’images bariolées ? Je cherche à m’exprimer avec douceur et sans fard, plutôt que de provoquer un choc visuel par le biais d’une déformation exagérée. Mes images sont conçues sur la base des notions fondamentales : la perception, la cognition et la conscience. A mes yeux, rien n’est beau, rien n’est laid. Ce qui compte, c’est l’authenticité, qui sert de liaison entre l’homme et l’environnement, entre l’homme et la réalité, entre l’homme et l’histoire, et bien sûr, entre les photographiés et moi.
Les photos s’apparentent à un miroir à double face. L’une se rapporte aux photographiés, l’autre aux photographes.
Au travers de lentilles sont sorties des images ayant une valeur symbolique, mais aussi des photos retraçant les détails de la vie. Je préfère les détails. Les détails sont le reflet des croyances, c’est-à-dire la vie ! »
Hu Wugong – 22 février 2006
Diplômé de l’Ecole secondaire annexe des Beaux-arts de Xi’an, M. Hu se lance dans la photographie après son service militaire en 1969. En 1975, il travaille pour le Quotidien du Shanxi, où il occupe successivement les postes de journaliste, rédacteur en chef adjoint et responsable de l’iconographie
Depuis 20 ans, M. Hu s’en tient à sa vision de la photographie. Reconnu comme un photographe et critique en photographie majeur en Chine, il a publié onze livres et un grand nombre de critiques.
Vernissage le jeudi 7 septembre 2006 à partir de 19 heures
Ouvert mercredi de 18 heures à 21 heures et samedi de 14 heures à 20 heures
Date : du 7 septembre au 7 octobre 2006
Lieu : Galerie Librairie Impressions, 98 rue Quincampoix, 75003 Paris