Trois albums de Suehiro Maruo paraissent chez Casterman.

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C’est Moebius qui fait connaître en France le mangaka Suehiro Maruo en 1991. Dans la revue (A suivre), il dédie un hors série à la « face cachée du rêve » et présente son homologue nippon comme « un alchimiste fiévreux, un accoucheur de visions romantiques et morbides, un épigone de Bataille et de Sade auquel le lecteur occidental n’est peut-être pas encore prêt »…

Les éditions Casterman poursuivent leur travail d’édition et de réédition de ses œuvres. Après Tomino la Maudite (1), ce sont trois albums qui sortent ce mois de janvier.

L’île Panorama d’abord est une adaptation du roman éponyme d’Edogawa Ranpo, maître incontesté du récit policier fantastique. Il a choisi son pseudonyme en hommage à son idole Edgar Allan Poe. En exergue de l’album, cette citation de Ranpo : «  Ce monde n’est qu’une illusion. Seuls les les rêves de la nuit sont vérité ». Il la met en pratique dans ce récit de genre magnifiquement illustré.

L’enfer en bouteille regroupe 4 nouvelles. La première, éponyme du recueil, reprend l’idée biblique du paradis bientôt perdu par un frère et une sœur échoués sur une île déserte. La deuxième s’inspire de la tentation de Saint Antoine avec les malheurs d’un abbé bienveillant. Kogane-Mochi, la troisième, raconte la façon cocasse qu’a un vieil avaricieux de cacher sa fortune. Avec la quatrième, on retrouve un peu l’univers cauchemardesque de Tomino la Maudite avec encore un frère handicapé et une sœur qui doivent survivre seuls et sans ressources dans le Japon d’avant-guerre. C’est Pauvre grande soeur.

C’est aussi le thème principal de Paraiso, recueil de cinq autres nouvelles inédites celle-là. Elles sont centrées sur des enfants qui subsistent seuls, mais après la seconde guerre mondiale.

Avec ces trois albums, on plonge de plain pied dans l’univers fantasmagorique de Suehiro Maruo. L’île y tient une place particulière. La religion catholique, l’enfance démunie, les notions de paradis et d’enfer reviennent continuellement dans cet univers plein de noirceur. Avec ses variations érotiques et grotesques, il est le maître de l’ ero guro au Japon.

Il est impossible de décrire la richesse des oeuvres du mangaka empruntes de multiples références graphiques et culturelles. Le trait est à la fois sûr et délicat, précis jusque dans les fantasmes ou les monstruosités. Il en déploie tous les détails et assume toutes les digressions. De l’île paradisiaque conçue par le cerveau d’un écrivain raté à l’enfer du camp d’Auschwitz, il parsème son œuvre de clins d’oeil à ses artistes et œuvres préférés. Hirosuke Hitomi de L’île Panorama a le portrait d’Edgar Allan Poe sur un mur de sa chambre. Un personnage secondaire de Pauvre grande sœur prend les traits du peintre Foujita. Et l’épouse du faux Genzaburô Komoda repose dans l’île des morts du peintre Böcklin…

Tout un univers à découvrir ou continuer d’explorer !

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

(1)Lire notre chronique sur le tome 1 de Tomino la Maudite : https://asiexpo.fr/tomino-la-maudite-de-suehiro-maruo-volume-1/

L’île Panorama, 280 pages, 15X21cm, cartonné, 20€. L’enfer en bouteille, 208 pages, 18€. Paraiso,192 pages, 18€. Éd. Casterman. En librairie le 18 janvier.

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