En 1868, Edo prend le nom de Tokyo. L’ancien shogunat des Tokugawa est évincé au profit de la restauration du pouvoir impérial. C’est le début de l’ère Meiji (« gouvernement éclairé »), qui se terminera en 1912.
Depuis les années 1850 le Japon est obligé de s’ouvrir au commerce international sous la menace des canonnières américaines, d’où la signature des « traités inégaux » en 1858.
C’est cette ouverture à l’Occident qui va considérablement modifier la conception des estampes de l’Ukiyo-e. Dans leur sujet d’abord. Elles témoignent de la modernisation à outrance du Japon médiéval. On y voit des trains et des bateaux à vapeur, des ponts non plus de bois mais de pierre ou de métal. L’architecture s’occidentalise, de même que les personnages vêtus à l’européenne. Les images de Yokohama ( Yokohama-e) déclinent à l’envi cette occidentalisation. Et plus particulièrement, la représentation du couple impérial est permise. De même, les thèmes de guerre moderne font leur apparition.
Dans leur traitement ensuite. Les estampes intègrent la perspective cavalière venue d’Europe, tout comme le modelé des personnages. Le dessin se veut de plus en plus réaliste. Les couleurs se font vives avec l’apparition de rouges et violets qui tendent à phagocyter les autres couleurs. De plus, l’invention des couleurs à l’aniline supplante les couleurs traditionnelles.
Ces estampes ont un aspect journalistique très important car elles se veulent le reflet le plus fidèle possible de leur époque. Brigitte Koyama-Richard met ainsi en lumière les descendants des grands maîtres de l’Ukiyo-e d’Edo. Ces élèves qui ont souvent pris leur nom, comme Hiroshige 2 ou 3 rendent compte de « l’ouverture à la civilisation » : bunmei kaika . Leur estampes sont autant de reportages sur la modernisation et l’urbanisation du pays. On découvre ainsi la vue de la transformation de Yokohama de Gountei Sadahide : 6 estampes accolées les unes aux autres aussi précises qu’une carte moderne.
Belle compilation qui permet de découvrir la fusion des civilisations et des arts.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Tokyo, nouvelle capitale, les estampes japonaises de l’ère Meiji, Brigitte Koyama-Richard, 186 pages, 35€, éd. Scala.