Suzuran, c’est la fleur de muguet de la couverture du livre, à la fois toxique pour l’humain mais doté d’un aspect délicat et d’un parfum entêtant.
Dans le dernier roman d’Aki Shimazaki, c’est le titre d’une céramique créée par la narratrice Anzu. Elle vit avec son garçonnet qu’elle élève seule à Yonago, petite ville au bord de la mer du Japon, dominée par le mont Daisen. Jeune femme indépendante, elle est divorcée, douce et ne semble jamais atteinte par les vicissitudes de la vie. L’amour qu’elle porte à son art : la poterie la rend sereine, calme, heureuse. Elle s’y adonne tout entière et semble remporter un certain succès. Elle crée, prépare une exposition, vend tout.
Elle est entourée de vieux parents qui commencent à décliner et d’une sœur, Kyoko . Cette dernière est belle et ravageuse, Elle consomme les hommes plus qu’elle ne les aime. Kyoko préfère d’ailleurs vivre à Tokyo. Et lorsqu’elle vient en visite à Yonago avec son futur mari, tout le monde est étonné. D’autant plus qu’il ne correspond absolument pas à ses canons… Anzu l’accueille…
Japonaise vivant à Montréal, Aki Shimazaki écrit en français. Suzuran est le premier volet d’un nouveau cycle romanesque comme elle les affectionne. On y retrouve totalement son style minimaliste ; ici sous la forme quasi d’un journal de la cadette d’une famille typiquement japonaise. Acuité du quotidien, de l’intime. C’est un regard à la loupe, en point de vue interne qui permet au lecteur d’entrer dans les recoins d’une femme qui mène son petit bonhomme de chemin avec opiniâtreté.
Mais derrière ce minimalisme se love le mélodrame sans éclat, à bas bruit… Et c’est toute la subtilité de cette héroïne, comme du style de l’autrice. Suzuran s’insinue en son lecteur comme « ce poème naïf » qu’Anzu a « fait en pétrissant l’argile » et qui parcourt tout le roman. Il reste dans son esprit. Le voici :
«Tu m’appelles sans voix
Comme une clochette sans battant
J’entends tout, Suzuran
Je t’aime depuis toujours
Depuis avant ma naissance. »
On a hâte de lire le deuxième volet !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Suzuran d’Aki Shimazaki, 168 p., 15€, éd. Actes Sud (Leméac au Canada). En librairie depuis le 7 octobre.