Pour son dernier roman, Suite Inoubliable, Akira Mizubayashi (1) nous convie à écouter de nouveau sa petite musique. Précédemment, il avait consacré un ouvrage au violon, Âme brisée (2020, Prix des libraires) et un autre à l’alto, Reine de cœur (2022). Et c‘est au violoncelle qu’il consacre son nouvel opus.
De nos jours à Paris, Pamina, luthière de son état, doit détabler un Goffriller de 1712. Un instrument d’une valeur inestimable. Une fois ouvert, elle perçoit un petit trou dans le tasseau du bas. Elle y découvre lettre et photo. Chose curieuse, dans l’exacte copie de l’instrument ancien qu’elle démonte aussi, la même cache recèle des documents datant de la fin de la guerre au Japon.
Ce violoncelle fut fabriqué entre juin et octobre 1945 par sa grand-mère, Hortense Schmidt, luthière également. Elle travaillait dans ce pays lors de sa capitulation. Par amour de la musique, mais aussi d’un certain Ken, un prodige japonais du violoncelle, elle a caché ces documents pour qu’ils survivent aux abjections de la guerre.
Après une minutieuse enquête, Pamina comprend l’amour qui unissait Hortence avec Ken Mizutani. Ce qui lui fait saisir l’incroyable ressemblance entre les deux violoncelles.
Par une écriture classique et finement maîtrisée, Akira Mizubayashi nous plonge, par-delà l’univers de la musique, dans les affres de la guerre et de ses conséquences effroyables sur les relations humaines. Dans un aller retour historique, il nous signifie son rejet de la guerre du Japon impérialiste au travers d’un de ses personnages. Plus encore, il proscrit le système héréditaire du tenno.
Surtout, il clame l’indéfectible lien qui unit les êtres au travers de la musique. Tout comme il glorifie notre époque contemporaine où cette musique peut s’exprimer pleinement. Ceci grâce aux extraordinaires interprètes que l’auteur magnifie dans un français chatoyant. Mais aussi, grâce à des artisans au savoir faire et à l’habilité hors pair. Il leur rend, en effet, un hommage appuyé au travers de leur abnégation et de leur effacement pour que toujours jaillisse la note juste.
On pourrait même dire qu’à l’instar des luthiers, l’écrivain structure son récit avec la même minutie pour mieux nous emporter sans limites dans la ronde des mots et des notes, afin de nous soulager des vicissitudes de la vie.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) Lire notre chronique : https://asiexpo.fr/dans-les-eaux-profondes-le-bain-japonais-dakira-mizubayashi/
Suite inoubliable, Akira Mizubayashi, 256 pages, 20€, éd. Galimard.