En mai 2015, l’éditeur Nintendo nous présentait une toute nouvelle licence, destinée à sa console Wii U, Splatoon, qui connaîtra une suite deux ans plus tard sur la toute nouvelle Switch. Destiné principalement au multijoueur, le jeu se présente comme une successions d’affrontements courts par équipe, via un jeu d’action/shoot à la troisième personne. Big N oblige, pas de violence au rendez-vous : ici, les seules cartouches à disposition sont remplies de peinture ! Deux équipes de quatre joueurs doivent ainsi recouvrir l’arène de jeu avec leur couleur, la gagnante étant celle qui aura le plus repeint l’environnement à l’issue du temps réglementaire.
Le succès aidant, Splatoon se voit porté en manga en 2016, sous la plume d’un auteur méconnu, Sankichi Hinodeya. Publié dans le Coro Coro Comics, magazine habitué des adaptations vidéo ludiques avec le remarquable Pokémon, le titre compte quatre volumes à l’heure actuelle. En France, le titre est publié chez Soleil Manga au sein de sa collection J-Video, où il retrouve d’autres adaptations de licences Nintendo, Zelda et Mario. Fort du potentiel de la licence, ce premier tome s’est hissé dans les meilleures ventes de l’automne.
Les adaptations manga à licence ont souvent une mauvaise réputation, la plupart du temps justifiée. Il s’agit bien souvent d’articles de commande, confiés à des mangakas débutants, dont les choix narratifs ou graphiques auront pu laisser de bien mauvais souvenirs. Concernant Splatoon, le pire semble avoir été évité. Ce premier volume nous délivre une succession de matchs, présentée de manière très dynamique, où l’on introduit le lecteur aux spécificités du jeu : les nombreuses armes à dispositions, la faculté de transformation en poulpe pour nager dans la peinture, et bien d’autres. Il faut cependant noter que le concept-même du jeu, qui prône l’apprentissage, l’ascension sur un classement, et l’esprit d’équipe, s’adapte aisément à une adaptation shonen-esque, tant le genre porte des valeurs similaires. De même, le style graphique du jeu, très « manga », aux traits simples, n’était pas bien difficile à transposer sur papier.
Le titre prend ainsi des airs de guide de jeu narratif, plus destiné à la promotion des features du jeu qu’à se vendre lui-même. C’est là où le bât blesse : les affrontements représentant 90% du volume, il est difficile de s’intéresser à autre chose. Les protagonistes, formant la Blue Team, peinent à développer une personnalité intéressante : deux garçons et deux filles, un enjoué et un sérieux dans chaque genre, et voilà. Le personnage de Little Mask est certes un peu plus mis en avant que les autres, par ses nombreuses pitreries. Sans demander une dramaturgie profonde, il aurait été intéressant d’approfondir l’attachement à cette équipe, qui semble ici transparente et interchangeable. D’autant plus que cette bande de losers, stagnant au niveau B ou C, enchaîne les affrontements avec des adversaires de plus en plus puissants, mais parvient toujours à s’en tirer. Aussi, on finit par ne plus ressentir une quelconque progression dans le récit.
Ainsi, Splatoon version papier manque cruellement d’enjeu, mais se révèle malgré tout sympathique, bien que destiné avant tout à un très jeune public. Il donnera surtout envie de se (re)plonger dans le jeu plutôt que de lire la suite. Pas besoin de tourner autant autour du pot !
Alain Broutta
SPLATOON (—) volume 1 de Sankichi HIDONEYA (2016)
Action/Humour, Japon, Soleil Manga – J-Video, octobre 2017, 192 pages, livre broché 7,99€