Ce sont tous des poèmes anonymes datant de la période du premier millénaire avant Jésus Christ. Ils ont, supposément, été compilés par Confucius en vue d’une éducation morale et artistique pour son époque. Il s’agit donc là du plus ancien recueil de poésie chinoise ! Œuvre fondatrice, elle est constituée à la fois de poèmes amoureux mais aussi de quelques chants officiels sur l’armée, la Cour… Le tout présenté sous trois formes : sur chaque double page : idéogrammes, traduction phonétique en pinyin et traduction en français. Chaque poésie comporte généralement quatre idéogrammes par vers et un nombre libre de vers et de strophe, rimés ou non. Ce sont souvent des chants.
L’amour reste le sujet principal de cette poésie, traité surtout à travers le prisme de la nature. En effet, l’origine de ces textes est souvent paysanne, classe ultra dominante à cette époque reculée. Des scoliastes les ont transcrits et compilés durant les siècles suivants « Cueillons l’osmonde » par exemple nous parle de cette fougère dont se nourrissaient les pauvres à cette époque. Ou bien dans « La Zhen avec la Wei » l’eupatoire sert à chasser les démons. Certains textes émanent aussi de la classe dirigeante. Dans « Ormes à la Porte d’Orient » il est question de la fille de Zi Zhong, grand dignitaire de Chen. « Une belle femme » est un chant nuptial d’une dame de Qi épousant un seigneur de Wèi.
L’intérêt du recueil est de nous faire pénétrer un monde mystérieux du fait de mots dont on a perdu le sens, d’activités ou d’usages révolus. La préparation de torches nuptiales dans « La Han est large » ou bien le fait de suspendre une serviette symbolisant la féminité à la naissance d’une fille dans « Un daim mort gît dans la campagne » sont autant de précieux témoignages sur l’ époque. Le caractère chantant apporté par la répétition de vers parfois à peine modifié crée le rythme. Dans « Mûriers en sol mouillé » le passage des feuilles de « luxuriantes » à « étincelantes », puis « verdoyantes » exprime toute l’intensité de la passion d’une femme pour son bien-aimé.
Dépaysement assuré à la lecture de ce petit recueil intelligemment présenté par Rémi Mathieu.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Shijing Le Classique des Poèmes, Anonyme, traduit du chinois, présenté et annoté par Rémi Mathieu, Folio Bilingue n°221, 160 p., 6,20€. En librairie depuis le 17 octobre 2019.