Shibumi en japonais c’est un concept complexe. Il recoupe la compréhension, la pudeur, la simplicité élégante, la concision intelligente. Mais aussi le fait d’exister sans l’angoisse du devenir, l’autorité sans la domination pour paraphraser Trevanian, l’auteur dont personne ne connaît le visage, créateur de l’inclassable roman éponyme. À la fois récit d’espionnage, philosophique et critique au vitriol des États-Unis.
C’est maintenant une bande dessinée de plus de 200 planches centrée sur le personnage de Nocholaï Hel qui incarne le shibumi par sa détermination à atteindre cette excellence personnelle. Plus prosaïquement, c’est un tueur à gages aux prestations les plus recherchées et les plus chères. D’origine russe, mais élevé dans le Japon d’après guerre, il a été initié à l’art subtil et poétique du jeu de go. Mais il s’est retiré au château d’Etchebar au Pays Basque.
C’est la jeune Hannah Stern, membre d’un commando israélien chargé d’assassiner les militants du groupe terroriste palestinien Septembre noir, responsable des attentats des JO de Munich de 1972, qui vient chercher son aide et sa protection. Nicholaï Hel se retrouve alors traqué par la Mother Company, une organisation secrète internationale aux pouvoirs sans limites. Il doit se préparer à un ultime affrontement qui promet d’être sans merci.
Le duo Pat Perna et Jean-Baptiste Hostache s’acquitte parfaitement de la transposition du texte en images. Toute une palette de couleurs froides pour la Mother Company et ses sbires sans morale ni vergogne. Au contraire, le village de Tardets et ses habitants hauts en couleur, le château d’Etchebar, écrin de la relation tout en finesse, distinction et plaisirs feutrés de Hel et sa « concubine », la belle Hana baignent dans des jaunes, rouges, marron éclatants.
Les auteurs gagnent le pari risqué de rendre à l’œuvre ses multiples dimensions. Outre la critique acerbe, les deux les plus marquantes étant l’aventure mâtinée d’espionnage aux ramifications complexes et mondiales. La seconde, la truculence des personnages basques, qu’il s’agisse de Beñat le Cagot, hâbleur invétéré et coureur de jupons ou les femmes du village qui ont tôt fait d’habiller pour l’hiver la jeune Hannah ! Entre ces deux extrêmes qui équilibrent parfaitement l’album, la délicatesse du Shibumi est bien entourée.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Shibumi de Pat Perna et Jean-Baptiste Hostache, d’après le roman culte de Trevanian, 224 pages, 21,5 X 29 cm, 29.90€, éd. Les Arènes BD.