A Kobe, 4 amies sortent ensembles, se confient. Jun est la plus impliquée dans cette amitié, c’est elle qui les réunit et elle confie à celle qu’elle connaît depuis le collège qu’elle va divorcer. Quelques temps après, elle disparaît. L’équilibre du groupe s’en ressent et chacune se remet en question, écoutant pour la 1ère fois ses émotions et celles des autres.
C’est déjà le 8ème film de ce jeune cinéaste japonais, mais c’est le 1er qui sort en France, il l’a réalisé en 2015 et a déjà conquis plusieurs festivals. Remarqué à Locarno, ses 4 héroïnes y ont reçu le prix de la meilleure interprète féminine avec une mention spéciale au scénario. Son nouvel opus : Asako 1 et 2 sera en compétition au prochain festival de Cannes.
Senses dure plus de 5h et le distributeur français a eu l’idée de le programmer en épisodes, comme une série. Le titre s’y prête bien, il est donc décliné en chacun des 5 sens et sort en salle en 3 fois : épisodes 1 et 2, le 2 mai ; épisodes 3 et 4, le 9 mai et épisode 5, le 16 mai. Là n’est pas réellement l’important car qui a goûté aux 2 premiers est accro ! Le film est né d’un atelier et le cinéaste a gardé les intervenants dont les 4 actrices principales qui sont non professionnelles ! Son but était de créer le pendant féminin de Husbands de John Cassavetes, son 1er titre était d’ailleurs Brides, comme un clin d’oeil au maître. Dans les 2 histoires aussi, un des amis meurt. Comme l’immense cinéaste américain, il jongle habilement avec le documentaire et l’improvisation, on peut dire qu’il a une maîtrise parfaite du jeu d’acteur improvisé. A travers ces 4 femmes, on entre de plain pied dans un processus d’émancipation initié par Jun, la femme « torturée » par son mari si peu expansif, inexpressif même et pourtant grand scientifique ! Son divorce prononcé, sa disparition avérée, il garde toujours espoir qu’ils revivront ensemble. Les hommes ne sont, dans leur ensemble, pas très glorieux dans le film… Les femmes, tour à tour, s’en affranchissent. Elles osent enfin exprimer leurs désirs et les suivre au lieu de les étouffer. Ce n’est pas facile et c’est à l’occasion d’un atelier de communication corporelle que le 1er déclic arrive. En effet, et d’autant plus au Japon où la pudeur est constante, le fait de toucher l’autre est presque inconcevable en société. C’est pourtant ce qu’ appréhendent les 4 amies avec d’autres comparses qui doivent écouter le ventre de leur voisin et lire dans leurs pensées en collant leur front sur le leur ! L’effet est totalement libérateur et symboliquement, chacune va se déprendre des contraintes familiales et sociétales pour écouter, ressentir pleinement et parler sans plus de faux semblants.
Une véritable libération que le spectateur vit au plus près des héroïnes !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON