Seiobo est la déesse de l’Ouest pour les Japonais. Elle s’incarne dans le jeu du maître de théâtre Nô Kazuyuka Inoué », l’un des chapitres du roman. En Occident, on appelle cela une épiphanie. Et cette dernière prend aussi le sens d’une révélation soudaine qui transcende la réalité ordinaire. C’est tout le propos de l’auteur, à travers ses 17chapitres qui sont autant d’histoires indépendantes. En effet, elles ne se passent ni dans le même temps ni dans la même géographie. Laszlo Krasznahorkai raconte comment l’art peut se révéler au détour de situations bien souvent triviales.
Sorti en 2015, il remporte l’International Man Booker Price, un des plus grands prix européens. Chaque chapitre s’organise autour de quelques phrases longues de plusieurs pages. Cette particularité entraîne paradoxalement une extrême fluidité de lecture. Comme si l’auteur, à travers la sinuosité de son écriture nous guidait, pour découvrir la beauté derrière la pesanteur du quotidien.
Et tous les domaines artistiques sont mis en scène. Le premier chapitre donne le ton, c’est « le chasseur de la Kamo », la rivière qui passe à Kyoto. Il s’agit d’un héron blanc, l’O-shirosagi. Il est d’une sublime beauté. Tel une sculpture de marbre, il reste immobile alors que toute la ville s’agite en tous sens. On trouve aussi « La conservation du Bouddha ». Une très vieille sculpture en bois le représentant doit être restaurée. Tout le temple est en émoi à l’idée de sa prise en charge par les restaurateurs ! Ceux-ci vont la démonter pièce par pièce pour pouvoir lui rendre toute sa spiritualité.
Il faut aussi parler de la fameuse suite Fibonacci (1, 3, 5, 8, 13…) qui structure la numération des chapitres. Elle donne un aperçu de l’harmonie cosmique dans la création humaine, selon l’auteur.
Le roman est constamment traversé d’un aller-retour entre l’art et le quotidien. A la fois très accessible, il nous porte surtout vers la quintessence de l’art. A découvrir absolument !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Seiobo est descendue sur terre, Laszlo Krasznahorkai , roman traduit du hongrois par Joëlle Dufeuilly, Babel, 460 pages, 9,80€.