Une des caractéristiques de l’écriture de Yoko Ogawa (1), c’est qu’il n’y a pas d’intrigue ni dans ses romans ni dans ses nouvelles. Pour son dernier recueil, Scènes endormies dans la paume de la main, il en va de même.
Les 8 histoires courtes de ce nouvel opus sont toutes plus ou moins liées à l’art de la représentation. Mais comme toujours chez Ogawa, c’est la poésie des circonstances qui motive l’écriture. Nous sommes alors entraînés dans des mondes improbables.
La première nouvelle, Des ailes avec des empreintes de doigts, tout en délicatesse, nous restitue, par l’intermédiaire d’une petite fille, tout un théâtre agencé avec des objets métalliques d’une boîte à outils mis au rebut d’une usine de transformation de métaux.
Une autre, Un amour de grotte, nous fait partager le quotidien douloureux du mal de cou d’une cheffe de service. Elle finit par s’apercevoir que des bestioles lui sortent littéralement de la bouche.
La nouvelle suivante, Prédire les doubles fautes, semble plus réconfortante que l’ensemble du recueil. Une mystérieuse jeune fille entraîne la narratrice dans une arrière-pièce d’un théâtre. Là, elle lui révèle qu’elle commet des erreurs afin que les acteurs sur scène les évitent. Ainsi, le spectacle se déroule impeccablement.
Tous les autres textes sont à l’avenant.
Dès les premières lignes, nous sommes immergés dans un univers si imaginatif que le fantastique semble modeler le réel sans que nous en soyons déconcertés. C’est là la marque de fabrique de Yoko Ogawa. Tout autant que l’est l’isolement des personnages, souvent féminins.
Bien qu’écrivaine, l’autrice ne semble guère croire à la possibilité d’échanges constructifs entre les humains. Une irrémédiable solitude habite la plupart des récits sans que les protagonistes inclinent à redire de leur situation.
Pour autant, Yoko Ogawa ne cherche pas le sensationnel. Elle rapporte des faits qui, bien des fois, semblent échapper à toute réalité. En effet, la lecture est fluide et expose un quotidien sans aspérités jusqu’à l’envoûtement.
Un monde, donc, aussi inquiétant qu’apaisant pour le commun des mortels, mais d’une extraordinaire dimension humaine.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) voir notre chronique : https://asiexpo.fr/instantatnes-dambre-de-yoko-ogawa-est-paru-chez-actes-sud/ Scènes endormies dans la paume de la main de Yôko Ogawa, 288 pages, 22 €, éd. Actes Sud. En librairie le 2 avril 2025.

