Hideo Gosha est en passe de devenir le réalisateur japonais le plus distribué sur notre territoire aux côtés d’Akira Kurosawa et de Takashi Miike. C’est sous les traits d’un coffret estampillé Ronins et Yakuza (c’est ici le volume 3) que nous parviennent 4 nouveaux films du maître. Le sabre de la Bête (1965), Chasseur des ténèbres (1979), Kagero (1991) et Femme dans un enfer d’huile (1992).
Quatre films dont la cohérence force le respect tant les thèmes et les expérimentations développés dans Le sabre de la bête se trouvent enrichis et complexifiés dans les œuvres à venir. Déjà dans les années 60, Hideo Gosha, alors à son deuxième métrage, entame une réappropriation de la figure du samurai. Si celui-ci garde une aura bénéfique et un charisme fort, il est aussi montré comme une composante d’un système social complexe. Les luttes de pouvoir des hautes sphères s’imbriquant dans des histoires de vengeances personnelles (trame scénaristique qu’il utilisera sur les trois autres films), le récit ne cesse de s’étoffer pour au final donner un métrage dense entraînant maintes réflexions (et encore bien des références doivent nous manquer en tant qu’Européen) mais n’oubliant jamais sa base, sa structure : le film de genre.
Voici donc la seconde composante marquante de l’œuvre d’Hideo Gosha (au moins dans les films présentés ici) : se servir du cahier des charges propre au genre (chambara ou films de Yakuza) et l’étoffer de réflexions sur les rapports humains. C’est particulièrement le cas pour Chasseur des ténèbres, dans lequel le réalisateur montre à quel point il aime mettre en scène de longues scènes de combats. Celles-ci deviennent d’ailleurs un véritable outil scénaristique permettant l’évolution de l’intrigue et la complexification des personnages. Ici, tout semble tendre vers un chaos total dans des rapports de force entre clans ainsi que dans les liens unissant les Samurais à leur maître. Chasseur des ténèbres s’il se révèle moins austère que son prédécesseur reste toutefois moins réflexif, ce que les gros bourrins du sabre (comme moi) apprécieront.
Pas de secret, le chef-d’œuvre du lot est bel et bien Kagero, tant Hideo Gosha arrive avec ce film à mêler avec équilibre les qualités suscitées. Nous suivons ici une jeune femme, redoutable joueuse, qui tente d’affronter le clan rival afin de protéger un couple amoureux et d’assouvir une vieille vengeance. Le réalisateur développe la troisième composante importante de ce coffret : la figure de la femme. Déjà bien développé dans les films précédents, ce thème de la femme forte qui tient tête au plus terrible des samurais, explose ici et imprègne le film entier. Pendant tout le film Orin va devenir le point faible des hommes qui l’entourent que ce soit dans le jeu, dans les batailles (encore fort abondantes) ou dans les rapports amoureux. Exacerbés jusque dans l’extrême, tous ces éléments donnent à Kagero un souffle romanesque grandiose. De plus, Hideo Gosha a atteint alors une maîtrise formelle telle qu’elle lui permet en une scène de donner trois niveaux de lecture que ce soit par la réalisation, la mise en scène ou les dialogues.
Le dernier film du coffret, Femme dans un enfer d’huile, est aussi le dernier film du maître et si celui-ci s’éloigne du chambara en limitant au maximum les combats, il continue d’égratigner les poncifs propres au genre qu’il investit. Il scrute les rapports entre hommes et femmes à travers un personnage de jeune fougueux qui semble attirer toutes les convoitises. A travers des situations souvent dramatiques Hideo Gosha livre une réflexion sur le désir et la pulsion, dans un contexte complexe de rapports de forces entre clan.
Vous l’aurez compris, si Hideo Gosha est actuellement si présent dans les rayons dvd c’est pour une raison toute simple : ce réalisateur a acquis aisance et une grammaire cinématographique si dense qu’elle ne trouve pour son époque quasiment aucun équivalent.
Éditeur : HK Video
Pays : Japon