Né en 1971, Wang Ning avait ce projet depuis longtemps. Et puis en 2010, lorsque la cousine de sa femme meurt à 27 ans, sans frère ni sœur, il le reprend. Après avoir écouté de nombreux couples ayant perdu un enfant, il scénarise trois de ces drames. Toutes ces histoires vraies ont pour toile de fond la modernisation de la Chine et sa politique de l’enfant unique.
La Chine a, en effet, eu diverses politiques natalistes depuis la révolution. Jusqu’en 1979, la natalité chinoise n’était pas contrainte. Puis de 1979 à 2015, ce fut la triste et funeste loi de l’enfant unique qui crée un déséquilibre homme femme et qui amorce le vieillissement de la population chinoise. C’est maintenant l’ère des 2 enfants par famille.
Dans Seul dans la vie,Jia Jia, un petit garçon de 5 ans est plein de vie. Un jour, alors que ses parents travaillent dans leur restaurant, il est kidnappé. Les deux époux passent toute leur vie à le chercher, l’attendre et espérer qu’il réapparaisse. On apprend qu’ils peuvent signer un acte de décès pour avoir un autre enfant. Mais ils refusent. De même, pour la vente de leur maison. Ils restent le seul îlot ancien dans un monde qui s’est totalement métamorphosé, modernisé. Aux slogans qui envahissent tous les espaces « Un enfant suffit, on aura moins de souci. » répond celui des deux inflexibles : « Papa et maman t’attendront toujours. »
L’amour continue commence et se termine par un rêve d’espace. Sur un chevet trônent deux photos encadrées : un couple jeune avec un petit garçon sur l’une, ce même couple plus âgé avec une petite fille. Tout est dit dans cette simple mise en abyme…
Dans le dernier vœu, nous sommes à Pékin en 1985. Leilei vient de naître, fille d’une famille modeste d’employés de la maison d’édition des beaux-arts. Une tumeur maligne lui impose de passer le plus clair de son temps à l’hôpital ou dans un fauteuil roulant. Elle limitera aussi sa vie à 25 ans au plus. Sa mère fait tout son possible pour combler ses vœux.
Ces trois récits placent les parents face à cette loi de l’enfant unique dont ils portent le fardeau en plus de leur propre malheur absolu.
Des trois dessinateurs, le premier Ni Shaoru, a le style le plus réaliste. Des aquarelles dans les tons gris vert nous entraînent dans un univers très structuré. La prolifération des vignettes donne une impression d’enfermement. Xu Ziran et Qin Chang ont un style plus onirique, plus simple aussi.
Une bande dessinée témoignage salutaire pour ne pas oublier.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Quand l’enfant disparaît de Wang Ning (scénario) et Ni, Xu et Qin (dessins), 20 €, éd. Mosquito. En librairie le 24 juin 2021.