L’album est le premier opus d’une nouvelle collection consacrée aux empereurs de ce géant méconnu qu’est la Chine. Qin Shi Huang est en effet son premier empereur, celui qui paracheva l’unification des 7 royaumes combattants qui, jusque-là : en 221 avant notre ère, étaient autonomes et se livraient des guerres perpétuelles.
Nous sommes en – 210, à l’Est de la Chine. L’empereur achève sa 5ème tournée d’inspection à travers son immense territoire. Sentant sa fin venir, il écrit de sa main son testament demandant à son fils aîné, exilé à la construction de la grande muraille, de le rejoindre pour faire de lui son héritier. Mais son fils cadet, le premier ministre et le chef des eunuques qui l’accompagnent ne le voient pas du même œil. Un énième complot contrarie donc cette décision tardive.
L’originalité de l’album, c’est le point de vue d’un obscur soldat, officier de la garde rapprochée du souverain. Il le connaît depuis l’enfance et peut ainsi le décrire dans sa personnalité et son intimité. Tous deux ayant grandi à Handan, capitale du Zhao, un des 7 royaumes combattants. Il le voit d’abord comme un jeune garçon solitaire se sentant abandonné par son père, destiné à régner sur le Qin par adoption. Les points de vue se multiplient tout au long de sa vie reconstituée par fragments.
La construction en montage alterné entre passé de l’empereur et sa fin donne son dynamisme au scénario de Link. Le dessin de Soyeur est infiniment précis et soigné. Les multiples plongées et contre plongées le rendent très expressif. Les physionomies et surtout les visages sont extrêmement travaillés. Les vignettes, bien que très nombreuses par planche, valorisent le récit et même le fluidifient. Quant à la couleur de Priori, elle caractérise chaque type de scène. La guerre est plutôt sépia, dans le chariot de l’empereur les tons froids dominent, et pour cause ! Le récit du quotidien est rendu dans des tons plus pastels. Les costumes de guerre et de cour sont particulièrement recherchés. Grâce au format, plus allongé que traditionnellement, les planches sont rendues plus expressives.
L’album rend bien compte des différentes facettes de Qin Shi Huang, décrié par les uns, encensé par les autres. Le lecteur peut ainsi se faire sa propre idée. Et s’il veut aller plus loin, un QR Code lui permet d’approfondir l’aspect historique.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Qin Shi Huang, scénario de Fabrice Linck, dessin de Davis Soyeur et couleur de Giulia Priori, 64 pages, 15,90€, collection « Empereurs chinois », éd. Kaminti. En librairie le 23 septembre 2023.