Il existe au nord du Japon un pays de neige, à la pureté infinie. C’est là, dans une petite ville de cures thermales qu’aime à se ressourcer Shimamura un jeune rentier, critique et chercheur en chorégraphie occidentale à ses heures. Il y noue un amour passionné mais sans issue avec Komako une geisha. Il fait aussi la connaissance de Yôko, une jeune femme mystérieuse dont la voix le fascine. Tous trois se cherchent, apprennent à se connaître dans la torpeur hivernale et la neige immaculée.
Le roman de Kawabata Yatsunari fascinait par sa poésie, son ambiance chaleureuse à l’intérieur avec l’éclosion de la passion naissante et la froidure du dehors dans la description somptueuse de la nature majestueuse. Les non-dits laissaient une grande place à l’imagination dans l’appréhension des sentiments et de l’intimité de ce triangle amoureux… Le dessin d’Itsugi Sakuko ne laisse plus place à notre imagination, il nous montre cette relation, il la scrute et la détermine au passage. Les paysages sont presque inexistants. Le médium resserre l’œuvre sur les personnages et lui fait perdre ainsi sa grandeur. Mais la poésie reste, le texte est exclusivement celui de Kawabata. Le dessin est très fin, avec des trames graphiques riches proches de celles des kimonos. Les personnages sont plus poussés que dans un manga lambda, très aboutis dans leurs attitudes et mimiques. L’ensemble est à la fois dynamique et fluide. La délicatesse de Kawabata ressort, au final, au travers d’un style à la fois précis et poétique tout comme ces fleurs épurées par une opposition graphique de lignes noires délimitant des surfaces blanches, qui ne sont pas sans rappeler certaines œuvres florales d’Hokusai. Un très beau travail donc !
Camille DOUZELET
Pays de neige, manga d’Utsugi Sakuko d’après le roman de Kawabata Yasunari, Philippe Picquier, février 2017, 192 p., 14.50€