En mars 2014, l’éditeur Glénat, connu pour des choix relativement « familiaux », surprenait son monde en lançant le label Erotic, avec pour premier titre Minimum de Maya Miyazaki. Ce dernier étant relativement passé inaperçu en librairie, on pensait que la collection en resterait là. C’était sans compter sur deux autres annonces, dont le titre qui nous intéresse aujourd’hui : Nude. Publiée en deux tomes au Japon mais regroupée ici en un seul gros volume, cette série est plutôt particulière car il s’agit d’un titre biographique. Ou partiellement biographique, on l’espère et vous comprendrez pourquoi ensuite.
Nude est ainsi censé nous retracer le parcours de Mihiro, une véritable actrice pornographique japonaise qui a d’ailleurs collaboré à la conception de l’ouvrage. Le recueil s’ouvre ainsi sur plusieurs photographies un peu coquines (mais rien de bien méchant), avant de rentrer dans le vif du sujet. Mihiro n’est pas encore Mihiro, mais Hiromi Yamase, une jeune demoiselle rêvant d’être sous les deux de la rampe. Un jour de 2001, se baladant dans le quartier de Shibuya, elle se fait remarquer par un dénicheur de talent, qui lui propose de participer à une séance pour des photos dénudées. D’abord réticente, Hiromi pèse le pour et le contre : son travail ne lui convient plus, et cette opportunité pourrait être la dernière. Aussi finit-elle par accepter…
Le projet initial de Nude semblait intéressant et original pour se démarquer du reste du ecchi ou du hentai. Pour autant, le résultat final n’est guère convaincant. En effet, le parcours de Mihiro dans le monde du X n’a rien de surprenant : des photos nues au clip, puis au DTV pour finir aux films hard. De même l’aspect « coulisses » du milieu n’en révèle qu’une surface glauque et guère reluisante, telle qu’on l’imagine généralement, en particulier dans les mécanismes qui poussent à convaincre la jeune femme d’aller plus loin. Entre une scène de sexe forcée ou d’initiation avec une ancienne star du milieu en guise de mentor, on frisera même la parodie, faisant passer de « manga sur le porno » à « manga porno » bêtement banal.
Makoto Ojiro semble donc se concentrer sur ses personnages et plus particulièrement sur Mihiro. Le titre se concentre en effet sur les choix de la demoiselle, du fait de les assumer ou non auprès de son entourage, et de la réaction de ses derniers une fois qu’ils l’apprendront. Des thématiques classiques mais intéressantes, qui seront malheureusement traitées par-dessus la jambe. Mihiro est ainsi le personnage le plus inconstant de l’œuvre, hésitant à chaque nouvelle étape. Sous le prétexte de suivre ses rêves de gloire, elle finit par accepter tout, même l’innommable. De fait, il ne sera pas étonnant de voir la relation avec son petit ami se dégrader progressivement, bien que le récit se force à rajouter une rivale amoureuse d’un machiavélisme ridicule.
Au fur et à mesure de l’œuvre, et tandis que le lecteur perd peu à peu tout espoir de trouver quelque chose d’un tant soit peu intéressant là-dedans, le récit embraye dans sa dernière partie sur deux péripéties importantes. La première présentera un véritable drame qui aurait dû mettre un terme définitif à la carrière de Mihiro, mais la résolution de cette situation sera pour le moins douteuse et amorale. La seconde, latente durant tout le récit, voit l’actrice et son manager entrer dans une relation sentimentale… jusqu’à aboutir à un twist profondément stupide et incohérent. Ces deux dernières intrigues, au-delà de leur aspect aberrant, font de Mihiro une héroïne particulièrement antipathique et détestable. Comment l’actrice (la vraie) a-t-elle pu valider ça ? Et si tout cela s’est vraiment passé, il n’y avait vraiment lieu de lui consacrer une biographie…
Et s’il fallait prendre Nude comme une œuvre simplement érotique, le constat n’est guère plus réjouissant. Le trait de Makoto Ojiro est agréable, mais a bien du mal à mettre en valeur ses héroïnes sous leur meilleur jour. Le tout manque clairement d’emphase et reste peu explicite dans ses scènes de sexe (on est plus proche du ecchi). Bref, Nude est un échec à tous les niveaux, malgré des ambitions de départ prometteuses, jusqu’à rendre haïssable sa protagoniste. A ce niveau-là, ça tient du génie.
NUDE (—) one-shot de MIHIRO et Makoto OJIRO (2009)
Erotique, Japon, Glénat – Erotic, janvier 2015, 396 pages, pour public averti, livre broché 10,75 euros
