Ma très aimée et respectée mère, je vous écris de Thaïlande où…, de Botan paraît aux éditions Gope.

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Dans son livre intitulé, Ma très aimée et respectée mère, je vous écris de Thaïlande où…, de Botan aux éditions Gope, Souang Sou, un jeune homme pauvre, fuit son village de Po Leng en Chine continentale. Il émigre à Bangkok dans le quartier chinois.

Aidé par un père adoptif en mal de famille, il obtient vite un travail. Son sérieux incline son patron à lui laisser épouser sa fille aînée.

Petit à petit, en même temps qu’il fonde un foyer, ses affaires prospèrent, malgré les aléas économiques de sa terre d’accueil.

Par l’intermédiaire du protagoniste, nous suivons sur près de vingt ans l’évolution de sa famille tout autant que de son entourage. Il écrit en effet des lettres à sa mère délaissée en 1945 pour s’installer à Bangkok. Il s’épanche ainsi jusqu’en 1967 avec un infini respect pour sa génitrice, comme le suggère le titre du roman.

Si au premier abord, le récit épistolaire peut paraître un peu artificiel, jamais sa mère ne répond aux lettres, on en apprend la raison dès l’introduction, le lecteur se trouve vite happé par la personnalité contradictoire de Swang Sou.

Issu d’un milieu paysan structuré par des principes confucéens, il se heurte très vite dans sa vie courante à la modernisation de la Thaïlande. Ainsi il est souvent décalé autant par la culture du pays hôte que par l’indépendance de plus en plus affirmée de ses enfants. Plus il dit les aimer, à sa manière, plus ceux-ci lui échappent.

C’est d’ailleurs l’occasion d’apprécier la pertinente personnalisation instillée par l’autrice pour deux de ses enfants, Meng Djou et Weng kîm. La fille l’amadoue subtilement afin d’obtenir de lui ce qu’elle veut tandis que le garçon lui échappe dans la dépravation.

Le patriarcat multimillénaire du père ne peut que se disloquer face à la pression de l’évolution des mentalités. Les femmes s’émancipent au travers de la consommation de produits occidentaux, notamment. Toutes celles qui l’entourent, à quelques exceptions près, s’y adonnent avec gourmandise. Attitude qui le plonge dans une incrédulité sans fond.

Plus encore, une composante de son caractère rigoriste l’incite à dénigrer les Thaïs très souvent en omettant l’inverse. Il leur reproche notamment de dépenser le moindre sou qu’ils gagnent au jeu ou dans la boisson et la dépravation. Alors que lui et toute sa famille travaillent de cinq heures à vingt-deux heures.

Cependant, engoncé dans ses a priori, son équité naturelle l’oblige parfois à reconnaître certaines qualités à ce peuple. Notamment envers Winyou le futur mari que sa fille cadette désire ardemment épouser. Bien que Thaï, ce dernier est loin de correspondre aux stéréotypes que Souang Sou leur attribue. Ce qui a pour conséquence de le déstabiliser un peu plus.

L’écriture est simple et donc très aisée à lire. À l’image de Souang Sou d’origine paysanne. Il ne s’embarrasse pas de circonvolutions pour s’exprimer, tout comme l’autrice Botan.

La numérotation et la date en entête de chaque lettre permettent de bien percevoir l’évolution de Souang Sou sur tous les aspects de sa vie. Surtout pour les concessions qu’il est contraint d’admettre à chaque étape cruciale.

Le lecteur se laisse donc facilement prendre par une narration des plus perspicaces quant à l’expression des sentiments des multiples personnages. Bien servie en cela par une traduction subtile qui facilite la compréhension de mondes antinomiques à l’occidental.

Malgré ses contradictions, Souang Sou reste un être attachant par son humanisme et son réel amour pour les siens, bien que particulier. Voilà, un subtil ouvrage d’une grande perspicacité qui nous plonge dans une imbrication de cultures pour mieux nous ouvrir au monde.

Notons que les éditions Gope font aussi paraître, en ce moment, un roman de Cyril Dowling : Taman Asli, Sanctuaire d’un été oublié.

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

Ma très aimée et respectée mère, je vous écris de Thaïlande où…, de Botan, 22€. Ed. Gope.

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