Akira, la trentaine, vit de plus en plus mal la routine quotidienne de femme au foyer dans laquelle elle s’est laissée enfermer. D’autant plus que son mari ne manque pas une occasion de lui faire sentir sa supériorité, sans jamais agir violemment cependant. Elle est bien décidée à ne pas succomber à ce piège. Poussée par une amie et n’ayant pas d’enfant, elle se fait embaucher dans une banque.
De par son travail à l’extérieur, elle rencontre fortuitement puis s’éprend d’un jeune étudiant en cinéma, Kôta, de dix ans son cadet. Fauché et endetté, il ne rêve que d’une chose : finir son film pour être reconnu et sortir de sa misère. Ce que sa maîtresse trouve très infantile. Plus pragmatique, elle se sert de son métier pour escroquer de l’argent à ses clients. Elle peut ainsi payer les dettes de son amant. À ce moment, elle compte bien rembourser ces délicats emprunts, par l’intermédiaire d’un jeu d’écriture bancaire. Toutefois, jamais maîtresse de sa vie, saura-t-elle à cette occasion échapper à ce nouveau carcan ?
Bien que centré sur cette anti-héroïne, le roman n’en est pas moins polyphonique. Tout au long du récit, l’autrice nous donne le point de vue des personnages qui l’ont fréquentée à divers stades de sa vie. Il en ressort une mosaïque d’opinions qui nous montre Akira dans toute sa complexité.
L’écriture de Mitsuyo Kakuta est sobre et très descriptive. Elle nous permet, en même temps qu’Akira, de prendre conscience des éléments qui influent sur sa vie pour la diriger. Le mépris de son mari ou l’infantilisme de son amant. Sans parler de sa liberté, son indépendance financière, qui ne peut passer que par un travail qui l’asservit aussi. Plus largement, on découvre comment les femmes, au Japon, s’endettent pour pratiquer un shopping addictif, voire thérapeutique. Notons que paraît simultanément en Babel, un précédent ouvrage de l’autrice : La cigale du huitième jour (1).
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) voir notre chronique sur La cigale du huitième jour : https://asiexpo.fr/la-cigale-du-huitieme-jour-de-mitsuyo-kakuta-sort-en-poche/
Lune de papier de Mitsuyo Kakuta , roman traduit du japonais par Sophie Refle, 336 p., 22€, éd. Actes Sud. En librairie depuis le 7 avril 2021.