C’est le 10ème opus du réalisateur japonais. Son titre est tiré de la chanson éponyme de Akiko Yano que l’on entend dans le film. « Quand je réalise un film, j’espère toujours pouvoir représenter à l’écran un sentiment de surprise équivalent à l’imprévisibilité de nos existences, et plus encore le suspense qui en découle. »
C’est ce qu’il réussit dès le début. En effet, le spectateur est vite happé par les personnages et les relations qu’ils entretiennent entre eux. Taeko et Jirô sont mariés et vivent avec Keita le fils d’un 1er mariage de Taeko. En face de chez eux les parents de Jirô et surtout son père ont un peu de mal à accepter Taeko. Ils voudraient un petit « à eux ».
Avec une maîtrise consommée de la mise en scène, Kôji Fukada sait créer ce suspense dont il parle. Dès le début du film, les « félicitations » préparées avec tant d’enthousiasme par ses collègues ne sont pas adressées à qui l’on croyait !
Viennent ensuite un événement et 2 autres personnages qui vont transformer les perspectives amenées au début de l’histoire. D’un côté l’ancienne fiancée de Jiro, de l’autre le père biologique de Keita. Le tout entraîne le film vers le mélodrame, un genre qu’affectionne le réalisateur « parce que toute la cruauté inhérente à la nature humaine s’y exprime », dit-il. En effet, chacun des personnages trahit l’autre à un moment donné, alors qu’aucun d’eux n’est particulièrement méchant ou cruel. On peut parler ici de la banalité de la cruauté comme Anna Arendt parlait de la « banalité du mal ».
La géographie des personnages, leur positionnement les uns par rapport aux autres est aussi très intéressant dans le film et traité de façon éminemment cinématographique. Taeko et Jiro sont très proches l’un de l’autre dans leur appartement, dans leur travail. L’irruption de Park, son ex-mari coréen et sourd-muet va les éloigner jusqu’à emmener Taeko par delà la mer. De même, Jiro part loin de la ville accompagner sa mère et dans un raccord très surprenant, on le retrouve avec son ancienne fiancée ! Les déplacements miment ainsi les aléas du sentiment amoureux, de l’amour tout court. Ainsi on découvre que Park a un autre fils plus âgé, d’un 1er mariage, et qu’il a déjà abandonné mère et fils cette fois-là aussi en Corée.
Son personnage permet d’aborder le handicap de façon très naturelle, comme d’une langue connue uniquement de quelques uns et qui rapproche Park et Taeko. Handicap qui n’empêche pas Park d’être multiple, d’avoir aussi ses noirceurs comme tout le monde et surtout d’être une espèce de révélateur. La métaphore du chat qu’il a recueilli (il apparaît la 1ère fois sortant de sous son blouson) le montre bien. En effet, il le donne à Jiro car il sent qu’il est bien avec lui. Et ainsi ce que l’on pouvait prendre pour un abandon serait plutôt une marque de confiance…
Un film surprenant comme la vie.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Love life, Écrit et Réalisé par Koji Fukada,avec Fumiko Kimura, Kento Nagayama, Atom Sunada. Durée : 2h04 Min / Couleur / 2022 / Nationalité : Japon, France. En Salle Le 14 juin.