Voilà un film japonais de la fin des années 70 d’un des plus grands cinéastes de l’archipel ! Sa restauration 2K fait claquer ses couleurs. Rouge comme la Mazda Familia qu’achète Kinya sur un coup de tête, personnage à part entière. Jaunes comme ces fameux mouchoirs du bonheur. Vert comme les forêts d’Hokkaido. Marron comme les constructions basiques de ses villages miniers. Blanc comme ses sommets enneigés. Elle lui rend tout son lustre.
Mais commençons par le début. Le même jour, l’impulsif Kinya est plaqué par son amoureuse, il démissionne de son travail, s’achète la rutilante Mazda, quitte Tokyo pour partir à Hokkaïdo, tout au nord du Japon. En chemin, à la gare d’Abashi, il rencontre Akemi, une jeune fille réservée qui, elle aussi, vient d’essuyer une déception sentimentale. Ils décident de visiter ensemble la région, malgré leur nature opposée. Ils font bientôt la connaissance de l’impénétrable Yusaku.
Un beau trio de cinéma se forme alors. Les deux jeunes gens poussent le film vers la comédie populaire et sentimentale. On rit beaucoup des chutes à répétition de Kinya. ll veut tellement en faire ! Comme lorsqu’il photographie Akemi sur la froide plage d’Abashi. On est dans une scène de pur burlesque. Le personnage de Yusaku apporte, quant à lui, une touche de mélodrame social et sentimental. Le film prend alors de la profondeur. On découvre la dure vie des mineurs, la rudesse du climat d’Hokkaïdo mais aussi sa beauté.
Le road-movie devient, pour chacun des personnages, un voyage initiatique. Le film parvient à ce mélange des genres grâce à la qualité d’interprétation des trois personnages. On retrouve, totalement à contre emploi, Ken Takakura, jouant d’habitude, dans les films de yakuzas. Il incarne ici le mystère d’un passé pesant et la crainte d’un futur incertain. À l’opposé, totalement extraverti, le chanteur Tetsuya Takeda est irrésistible dans sa frénésie de « mâle en rut ». Kaori Momoi, pour sa part, passe subtilement de la réserve à l’action au sein du trio. Notons que ce film a permis à chacun de ces acteurs de relancer sa carrière. Le tout grâce aux six Japan Academy Prizes qu’il a remporté. Ce fut effectivement un immense succès à sa sortie au Japon.
Dans les bonus, l’entretien avec Claude Leblanc est très éclairant sur la naissance du film. Son titre : Humanité nous montre aussi que la nature est importante pour reconstituer l’humain. C’est ce que chacun des trois personnages principaux du film tente dans ce road-movie initiatique. « Dans le cinéma de Yamada, l’homme est au coeur de tout » explique le fondateur de Zoom Japon.
Un film à conseiller pour passer un excellent moment de cinéma.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Les mouchoirs jaunes du bonheur de Yoji Yamada, 1977, Japon, 109 mn, DVD et Blu-ray disc, 20€.Carlotta. En vente le 23 août.