Dans notre monde, la manière de persuader les individus s’opère de 2 façons distinctes, mais qui, au final, reviennent au même. En démocratie, comme l’on ne peut contraindre le citoyen, la persuasion s’opère en toute discrétion. Lire pour cela les nombreux chapitres consacrés aux États-Unis. Édifiants ! Tandis que dans les pays totalitaires, elle se pratique au grand jour et par une contrainte revendiquée.
C’est ce que nous apprennent les pages concernant Lin Biao. Compagnon de route de Mao Zedong, il est l’inventeur du “Petit Livre rouge : l’arme de persuasion massive de Mao”. À l’origine destiné aux cadres de l’armée populaire de Chine, l’ouvrage devient vite obligatoire pour tout Chinois.
Il est surtout un instrument de reconquête du pouvoir pour un Mao Zedong en perte de vitesse. En effet, nommé ministre de la Défense, Lin Biao, après une purge dans les rangs militaires, réorganise l’armée par l’intermédiaire du Petit Livre rouge. Ce dernier devient le véritable vecteur de propagande pour asseoir un leadership sans partage du grand timonier.
Cela permet aux deux dirigeants de disposer d’une idéologie immédiatement assimilable par les masses qu’elles soient militaires ou civiles. Dorénavant tout passe par l’éducation idéologique au détriment même de l’éducation scolaire. Pour Lin Biao, les Chinois ont moins besoin de connaître les citations par cœur que de les mettre en pratique. “L’ouvrage participe ainsi de la ‘liturgie maoïste’. En 1966, le Petit Livre rouge devient l’instrument de la reconquête maoïste au nom de la “Révolution Culturelle”.
Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres manipulations moins explicites que nous décrypte David Colon. Voilà donc un livre à mettre entre toutes mains et de toute urgence. Il démontre, en effet, sans ambiguïté la force de pénétration des concepts manipulatoires dans l’esprit des individus. Plus que tout, désormais, l’informatique et sa formidable collecte de renseignements tous azimuts permet de conduire tout un chacun là où il ne comptait pas aller. Et plus encore, in fine, avec son consentement bienheureux ! On le voit bien au travers de l’ouvrage, sans contre-pouvoir, la puissance manipulatrice ne connaît aucune limite. Seuls les utilisateurs bien informés peuvent se prémunir contre elle, mais pour combien de temps encore ?
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Les maîtres de la manipulation, David Colon, 368 pages, 11€, collection Texto, éd. Tallandier.