À la fin du XIXe siècle, dans la concession britannique de Shanghai. Plusieurs « maisons des fleurs », réservées à l’élite masculine, forment un monde clos où l’on vient autant pour dîner, fumer de l’opium, jouer au mah-jong et se distraire que pour rencontrer des courtisanes. Les femmes qui y travaillent sont « les fleurs de Shanghai ». Wang, un haut fonctionnaire, est le client officiel de la sublime et dépensière Rubis. Dans une autre maison, il fréquente aussi Jasmin… Le roman de Han Ziyun, Les fleurs de Shanghai, est publié sous forme de feuilleton en 1894. Il fait la chronique à peine romancée du quotidien des maisons closes. Le cinéaste taïwanais Hou Hsiao Hsien l’adapte, en 1998, en réduisant les quelques 100 personnages aux habitués et courtisanes de 4 maisons closes.
En une succession de plans séquences, comme autant de tableaux nocturnes, le cinéaste nous fait pénétrer dans un univers extrêmement codifié. Tourné uniquement en studio et en huis clos, le film rend admirablement l’atmosphère hypnotique des lieux. Le luxe ultra raffiné des costumes (portés par des acteurs magnifiques) et des décors s’oppose à l’aspect mesquin des tractations et des marchandages.
En effet, derrière la beauté des courtisanes et des intérieurs feutrés se joue la tragédie des rapports humains. Ces jeunes femmes sont condamnées à la retenue en toute circonstance. Le plus souvent elles sont vendues très jeunes par leur famille à une matrone. Elle les élève en leur donnant une éducation artistique mais sans leur apprendre à lire ni à écrire ! Elles sont alors mises à la disposition des désirs masculins. Elles ne peuvent qu’espérer un hypothétique mariage à la suite du rachat par leur protecteur.
Outre cette esthétique raffinée, le travail sur le temps est aussi remarquable dans le film. « Parmi les vapeurs d’opium, c’est l’essence même de la vie qui s’écoule. Hou Hsiao-hsien montre le temps en plein travail, insaisissable et inexorable à la fois. » explique Olivier Assayas.
A voir et à revoir sans modération !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Les fleurs de Shanghai, 1998, Taiwan, Japon, 114 mn, avec Tony Leung, Michiko Hada, Michelle Reis. En salle le 22 juillet.
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