Dans une banlieue tokyoïte des années 2000, vivent les Maehara, une famille ordinaire, dont le père est “salaryman“. L‘irréparable est commis par le fils de 14 ans. Adolescent introverti , égoïste et indifférent à tout, il tue une fillette dans la maison paternelle. Les parents ne voulant pas le dénoncer maquillent le meurtre en crime sadique en déposant le corps dans un parc non loin de chez eux. Cependant, un policier chevronné ; Kaga Kyôchirô ne met pas longtemps à découvrir que la famille Maehara est impliquée dans le meurtre. Sur le point d‘être découvert, le père Akio accuse sa propre mère, atteinte de démence sénile, du meurtre. L‘inspecteur Kyôchirô, dont le père est lui-même en train de mourir à l‘hôpital, se laissera-t-il berner par ce subterfuge ?
Keigo Higashino est un maître du roman policier au Japon. C‘est le 8ème qu‘Actes Sud fait traduire. Bien que le meurtrier soit donné dès le début du roman, le lecteur suit les policiers dans leurs investigations et est porté par un suspense parfaitement maîtrisé. Le genre sert avant tout à l‘écrivain à faire émerger les rapports complexes et mouvementés entre les êtres. Ici les 4 personnages de la famille Maehara sont disséqués et leurs contentieux mis à nu : personne n‘a de sentiment l‘un envers l‘autre. Le policier, tant dans ses rapports avec son cousin qui enquête avec lui que dans sa relation à son père malade , s‘avère un fin psychologue de l‘âme humaine. Mais c‘est la noirceur qui domine ce roman. Elle ressort de presque toutes les confrontations entre les personnages. Seuls Kaga et la grand-mère apportent un peu d‘humanité.
Dans un style à la fois simple et linéaire, l‘auteur nous égare sur de nombreux sentiers qui, au final, nous ramènent au cœur des relations familiales et nous en donnent la clé. Le thème de la vieillesse est aussi traité de façon inattendue. Dans cette société nippone où les rapports filiaux furent très importants, Higashino nous montre à quel point ils peuvent se déliter.
Un roman captivant de bout en bout grâce à une grande maîtrise narrative. A l’heure de la mise sous presse de son nouvel opus : Les Miracles du bazar Namiya, que l’on découvrira en février prochain, cette sortie en poche chez Babel noir est un bon moyen d’attendre !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Les doigts rouges de Keigo Higashino, traduit du japonais par Sophie Refle, collection Babel noir, Actes Sud, 240 pages, 8 janvier 2020, 7,80€.