Peu de religions peuvent se prévaloir d’être spécifiquement indigènes. Tout au moins pour les plus connues. Sauf peut-être le shintô, cette croyance chamanique issue des temps immémoriaux, au Japon. Ce terme se traduit par la « voie des dieux »,les kami dans la langue du Yamato (1). Ceux-ci sont considérés comme exclusivement nippons et donc peu exportables. Tout dans l’Archipel peut être considéré comme kami.
Cependant le shintô n’est pas imperméable aux autres religions. En effet, jusqu’à la restauration Meiji, le bouddhisme l’assujettit. Toutefois, il s’en sépare pour devenir la religion d’État que l’on sait. L’empereur est élevé au rang de kami, donc d’ascendance divine. Par une construction fantasmée, il devient l’instrument de la propagande militaro-nationaliste jusqu’à la chute des dieux à la fin de la seconde guerre mondiale.
Rentré dans le rang, désormais, le Shintô survit tant bien que mal. Beaucoup de jeunes s’en désintéressent. Sauf quand il s’agit de demander de l’aide aux dieux pour les examens, un concours d’entrée à l’université et, bien sûr, trouver l’âme sœur. D’apparence vénale, cette pratique apparaît comme parfaitement normale. Au Japon, les kami sont là pour aider les humains. À charge pour ces derniers de leur rendre hommage et dévotion tout au long de l’année. L’essentiel pour les fidèles est de respecter les vertus cardinales de cette foi, à savoir : pureté, sincérité et gratitude.
On le voit, plus qu’une croyance, cette religion sert à rassurer les humains avant toute chose face aux multiples impondérables de la vie. Si bien que souvent, les Japonais adhèrent au moins à deux systèmes religieux. Sait-on jamais ?
L’anglais Ian Reader, grand universitaire, est un des plus éminents connaisseurs du monde japonais et de ses religions. Son essai s’avère un vaste tour d’horizon du shintô. C’est un texte limpide et précis qui permet au public français de s’en imprégner au plus juste. Un ouvrage didactique à l’érudition communicative. À consulter sans réserve afin de mieux appréhender la société nippone au travers d’un des fondements de sa culture.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) centre historique du Japon.
Le shintô, voie des dieux de Ian Reader , essai traduit et adapté de l’anglais par Alain Sainte-Marie, 180 pages, 11,5 X 17 cm, 16€, mai 2022, coll. « le souffle de l’esprit », éd. Actes Sud.