Milieu du XVIIIè siècle, dans la cité impériale chinoise, la vie est rythmée par le protocole confucianiste : soumission au père, au souverain, à toute autorité. L’application de la règle est partout. Ulanara (interprétée finement par Fang Bingbing), l’impératrice en titre, est délaissée par l’Empereur Qian Long qui lui préfère une jeune concubine. Elle se morfond, elle s’ennuie d’autant qu’ayant déjà donné un héritier à son époux, elle ne l’intéresse plus. Dans cet empire hyper hiérarchisé, les peintres rendent compte des cérémonies, des us et coutumes dans un atelier cosmopolite mêlant Chinois et Occidentaux. Parmi eux, la congrégation jésuite qui essaie de christianiser la Chine est représentée par frère Castiglione et Jean Denis Attiret (1) Il est incarné par un Melvil Poupaud « enchinoisé », du meilleur goût. Ce dernier est bientôt remarqué par son talent dans le style occidental. Pour échapper à son ennui, Ulanara demande à l’Empereur qu’il fasse son portrait à cette mode occidentale. S’ensuivent des séances de pose publiques : tout l’entourage de l’impératrice y va de son commentaire, de ses étonnements, de ses ricanements. Mais petit à petit se crée une réelle complicité entre le peintre et son modèle…
Ces scènes sont les plus réussies du film car elles sont totalement décalées par rapport au cérémonial de tous les autres instants. Elles font subtilement ressortir les différences de points de vue et de perception de la réalité entre Chinois et Occidentaux. Le personnage de Chen est en cela savoureux, il est le grand superviseur du respect de l’étiquette et porte un regard à la fois bienveillant et lucide sur les Occidentaux. Ce qui frappe c’est la beauté et la richesse de tout l’apparat : la cité impériale elle-même, les costumes, les objets : tout n’est que luxe, calme et… retenue ! Même les costumes des frères-peintres sont admirables ! Charles de Meaux réussit à créer cette atmosphère toute de réserve, de passion contenue tant elle est soumise à la règle : de son ordre pour Attiret, de son titre pour Ulanara.
Le coffret prestige est un très bel objet. Il contient outre un DVD et un BluRay, un livret de 76 pages avec de nombreuses reproductions en couleurs des œuvres d’Attiret, une interview de Charles de Meaux, des esquisses des costumes et broderies du film, des aquarelles… Chose plus rare encore, il recèle une reproduction rigide du fameux tableau interdit ayant inspiré le film, et que l’on peut admirer au musée de Dole, ville natale du peintre. Un intéressant documentaire racontant l’histoire de cette « Joconde asiatique » accompagne d’ailleurs le film et est très instructif.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) On peut lire avec profit D’un soleil à l’autre Jean-Denis Attiret missionnaire jésuite peintre de l’Empereur de Chine de Violette Fris-Larrouy aux éditions de la Bisquine. Nous en reparlerons bientôt….
Edition simple : 19,99€
Coffret prestige : 29,99€