Le Nirvana est ici de Mikael Ross paraît aux éditions Seuil.

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Aux abords du marché polonais, Dennis et sa petite sœur Tâm rencontrent furtivement Hoa Binh, enfermée dans un van et qui leur achète le couperet qu’ils destinaient à leur père, en zlotys polonais ! L’affaire en serait restée là si le bon copain de Dennis ne lui avait pas montré la photo de Hoa Binh, comme une possible conquête et si le petit Alex n’avait pas retrouvé un sac à dos avec photo assortie d’un poème et auriculaire sectionné en prime !

Ces jeunes gens se retrouvent tous à Lichtenberg, quartier populaire et difficile de l’est de Berlin. Hoa Binh est une de ces jeunes Vietnamiennes qui croyait trouver le moyen de subvenir à sa famille en venant travailler en Europe. Elle se retrouve piégée par un trafiquant inhumain : Boris. Il n’aura de cesse de retrouver sa « marchandise » une fois qu’elle se sera échappée.

Mais c’est sans compter la ténacité de la petite Tâm qui décide de lui venir en aide. Elle entraîne son frère et Alex dans l’aventure, de même qu’une vieille actrice alcoolique qui vit dans sa maison de jardin ouvrier et vole dans les supermarchés. Les parents restent en arrière plan.

Le tout donne un roman graphique dense, au scénario très enlevé et d’une précision d’orfèvre. Les rebondissements donnent un rythme effréné mais qui sait laisser la place aux sentiments, aux discussions et aux relations humaines justement.

Le dessin est à l’unisson. Il virevolte à en donner le tournis lors des courses poursuites comme celle qui met aux prises Hoa Binh à bicyclette avec Tâm en rollers, poursuivies par Boris en van, dans le labyrinthe urbanistique de Lichtenberg. Très expressif, le visage de Tâm manifeste tour à tour la joie,la surprise, l’horreur ou la peur. Le rendu est parfois très esthétique grâce à des lavis très travaillés comme cette pleine page de pluie nocturne dans la casse qui sert de geôle à plusieurs captives.

Les différents genres : polar voire thriller, roman d’apprentissage et aussi histoire d’amours font bon ménage dans ce roman graphique solidement ancré dans le social. Les émigrés vietnamiens qui travaillent dur pour que leurs enfants puissent avoir un avenir radieux, la mère célibataire accaparée par son travail et les trafiquants en tout genre. Mais l’humour n’est pas absent et l’on rit beaucoup de la malice de Tâm, notamment lorsqu’elle imite la voix de sa mère pour excuser son absence à l’école ou bien lorsque son père, pour tout problème, a un proverbe vietnamien pour le résoudre.

Une belle découverte !

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

Le Nirvana est ici de Mikael Ross, traduit de l’allemand par Jean-Baptiste Coursaud, 17 X 24 cm, 352 pages, 25€, éd. Seuil. En librairie le 10 janvier 2025.

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