En 1947, sur l’île d’Hokkaido, deux évadés de prison mettent le feu à une maison et y dérobent une grosse somme d’argent. Un soldat tout juste démobilisé : Inukai, participe à leur fuite en mer sous la menace d’un typhon qui se déchaîne. On retrouve ce 3ème larron en compagnie d’une prostituée : Yae. Elle le recueille. Il la récompense généreusement en la quittant.
Le film se poursuit sur l‘enquête menée par l’opiniâtre inspecteur Yumi Saka. Il n’hésite pas à se déplacer jusqu’à Tokyo pour retrouver la jeune prostituée, témoin vital pour ses investigations.
L’enquête policière au long cours se double d’une exploration du monde de la prostitution. Elle semble prendre des proportions gigantesques à Tokyo en cette fin des années 40. C’est le seul moyen pour des jeunes campagnardes pauvres de s’en sortir. Et c’est cette pauvreté qui gangrène le Japon d’après guerre.
La notion de culpabilité est aussi au cœur du film. D’Inukai à Yumi Saka, en passant par Yae, elle est déclinée sous différentes formes.
Tourné en 1967, le film s’imprègne beaucoup de l’esprit de la Nouvelle Vague. De nombreux extérieurs, la pellicule 16 mm gonflée en 35mm donne un aspect de caméra portée, au plus près des acteurs. La solarisation de certains plans mimant l’intériorité, la vision de différents personnages est très novatrice. Un noir et blanc intense renforce l’aspect film noir. Reste la longueur due aux divers points de vue sur les deux affaires qui, à 10 ans d’intervalle, s’avèrent liées.
Avec cette fresque socialement engagée, Tomu Uchida prolonge une longue carrière commencée au temps du muet et prouve qu’il sait évoluer avec son temps.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Le détroit de la faim de Tomu Uchida, 1967, Japon, 183 mn, DVD et Blu-Ray Disc, 20€, Carlotta. En vente le 21 février.