La Rose du Mékong de Louis-Ferdinand Despreez paraît aux éditions du Canoë.

Nous retrouvons le formidable style de l’écrivain sud-africain Louis-Ferdinand Despreez (1) dans son nouveau roman, La Rose du Mékong. Divisé en 3 parties, nous suivons, tout d’abord, le 2e classe Hubert Garlaban à la suite de sa démobilisation de la guerre 14/18. Il rentre dans sa famille à Castres. Promis à un mariage avec Élodie, qui lui donnerait les clés du salon de coiffure du père de celle-ci, notre ambitieux protagoniste voit plus loin, plus grand.

En 1919, nanti d’un petit pécule, cédé de mauvaise grâce par son père, Hubert part à la conquête de l’Indochine. Il compte faire fortune en quelques années, comme le martèle la propagande coloniale dans le périodique l’Illustration. Cependant, la réalité s’avère bien rude pour notre naïf et cossard Rastignac de bazar.

Dix-sept ans pus tard, c’est à un moine bouddhiste itinérant, Phra Somsak, que s’intéresse l’auteur. Il nous le décrit dans son parcours serein de pagode en pagode, au cœur du Laos, protectorat français. Comme il est proche de l’illumination, plus aucun désir ne le touche, sauf peut être la soupe d’œufs de fourmis et encore. Sa force de caractère lui permet aisément de s’en passer.

Enfin, les deux protagonistes sont réunis à Luang Prabang, la capitale du royaume laotien. Toutefois, ils ne se connaissent pas. C’est au travers d’une enquête concernant le vol d’un tableautin, don de Garlaban à un temple bouddhiste, que l’on apprend la disparition de la fameuse Rose du titre : un rubis parfait. Il était enchâssé dans le cadre !

À La suite de savantes et subtiles déductions et, aidé par quelques révélations dues à son état de transcendance et de tribulations rocambolesques, le moine récupère le trésor. Il s’aperçoit très vite qu’il est l’objet de nombreuses convoitises. En sa possession, il n’a qu’une hâte : le rendre à son propriétaire. Cependant, réussira-t-il ?

On retire beaucoup de plaisir à la lecture de cet ouvrage peu commun. Le style est incisif et sans concession pour décrire la bassesse humaine tant sur la guerre que sur la vie en province où dans les colonies.

Avec une grande finesse d’analyse, l’auteur nous révèle les arcanes d’une enquête où la cupidité de certains individus confirme l’étendue de leur vilenie. Ils sont même prêts à commettre l’irréparable.

On retiendra surtout la galerie de portraits des blancs imbus de leur statut qui rappelle fortement le livre d’Éric Vuillard, Une sortie honorable, sans le copier le moins du monde. Cela va sans dire. Attablés dans leur cercle, ils débattent sans fin sur les petites péripéties locales afin de tuer leur ennui en buvant une anisette. Rien de bien glorieux ne ressort de ces gens incapables de la moindre compassion envers leurs administrés autochtones. Ils sont autocentrés sur leur morne vie. Seuls le capitaine Legal, marinier français sur le Mékong et le moine partagent la vie locale.

Un autre personnage étonnant apparaît en compagnie du moine. C’est un duc éthiopien exilé en Asie du Sud-Est à cause de l’invasion de Mussolini qui a fait main basse sur son pays. Grâce à ce réfugié avant la lettre, nous comprenons mieux l’intérêt qu’il porte à cette civilisation d’adoption. Il s’y est marié et tient un commerce d’antiquités. À travers lui aussi, nous partageons quelques instants de la vie des Laotiens.

Un des grands avantages de ce livre, c’est aussi qu’il nous épargne de lire l’infinie exégèse sur le Bouddhisme. En effet, en accompagnant le moine-enquêteur, nous comprenons sans difficulté la démarche qui est la sienne : refuser tout désir. Le reste est une affaire de volonté.

Si les vacances sont souvent le temps du voyage, le livre de Louis-Ferdinand Despreez nous dépayse puissamment sans bouger. Un excellent livre estival pour, en même temps,  réfléchir et se divertir ; Et pourquoi pas rencontrer l’auteur qui est en France durant tout le mois d’août.

Notons encore que les éditions du Canoë publient, cet été le recueil de nouvelles d’André Bouny : Les neuf fils de Madame Thu. Nous en reparlerons.

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

(1) Lire notre chronique : https://asiexpo.fr/le-taureau-de-la-havane-de-louis-ferdinand-despreez-parait-aux-editions-du-canoe/

La Rose du Mékong de Louis-Ferdinand Despreez, 380 pages, 24€, éd. du Canoë. En librairie le 2 mai 2025.

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