Gayatri Devi surnommée Ayesha est une princesse indienne née en 1919 au pied de l’Himalaya. Elle est apparentée à la mythologie puisque ses grands-parents paternels habitaient Cooch Behar, la demeure des dieux, dit la légende. Non seulement, elle est d’ascendance princière tant du côté paternel que maternelle, mais elle épouse le Maharaja de Jaipur. Ce qui fait d’elle la plus en vue des maharani.
Grâce à sa mère, avec sa fratrie, elle a une jeunesse heureuse et progressiste. Elle survole l’Himalaya en avion pour apprendre le nom des montagnes. Elle organise des courses d’éléphants. Avec son grand-père, elle se promène à cheval tôt le matin. Ô combien privilégiée, elle est très heureuse et sait profiter de ce que lui octroie son rang.
Toutefois, le contraste entre le faste de sa position et la pauvreté de la domesticité qui la sert ne l’a jamais laissée indifférente. Elle cherche par tous les moyens à sa disposition comment améliorer les conditions de vie des plus précaires. Elle dessine des maisons pour eux ou s’entretient avec le personnel pour connaître au mieux ses besoins. Sa place hiérarchique ne l’empêche pas de ressentir une sincère compassion envers autrui. Elle va même jusqu’à se soucier du bien-être animal bien avant le monde occidental.
Elle soigne les bêtes et les protège dans un sanctuaire qu’elle crée rien que pour eux.
Elle aurait pu se contenter de cette vie déjà bien remplie, mais fervente adepte du Mahatma Gandhi, elle se bat sur tous les fronts et particulièrement celui du patriarcat. Elle fonde alors la première école pour filles du Rajasthan en 1943 à l’âge de 24 ans. Il en sortira de nombreuses personnalités de l’élite méritocratique de l’Inde moderne.
Pour avoir encore plus de poids sur la société, elle s’engage en politique. Elle est la première maharani à être élue au Parlement. Là aussi, elle ne fait pas de figuration. Première de tous les combats d’avant-garde, elle va jusqu’à s’opposer à Nehru, le premier ministre. Ce que sa fille, Indira Gandhi, lui fait payer chèrement en l’emprisonnant sous un fallacieux prétexte. Lorsque le pouvoir et la valeur d’ego entrent en confrontation, la notion de sororité n’est plus de mise.
À la suite de plusieurs biographies de femmes d’envergure, Jean-Noël Liaut nous comble avec ce portrait vivant et d’une extrême acuité sur une princesse qui aurait très bien pu s’abandonner à l’illusion de sa puissance. Non ! Elle a su puiser au plus profond d’elle-même une force allant à l’encontre même de sa propre caste afin de l’utiliser pour le bien du plus grand nombre. On ne saurait trop conseiller la lecture de cet ouvrage à certaines femmes politiques de maintenant.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
La Princesse insoumise, Jean-Noël Liaut, 320 pages, 22,90€, Allary Éditions.
En librairie le 26 janvier 2023.