Naomi Pollock est architecte et autrice américaine, spécialiste de l’architecture et du design japonais. Elle a déjà publié de nombreux ouvrages sur le sujet. C’est Tadeo Ando qui résume le mieux son dernier opus dans la préface qu’il lui consacre. « Ce livre, qui passe en revue l’architecture résidentielle japonaise depuis 1945, compose une histoire réaliste de la société nipponne d’après-guerre, vue à travers le prisme de la conception architecturale ».
En 1945, le Japon est un champ de ruines. C’est alors l’occasion de moderniser l’habitat et surtout, de le repenser, en faisant table rase du passé. La société japonaise évolue vers la famille nucléaire par exemple.
Et puis, cette modernisation s’ouvre à l’occidentalisation. En rentrant de France ou des États Unis, les architectes nippons rapportent aussi des influences. Comme celle de Le Corbusier pour le béton.
La liberté est de mise. L’exiguïté des parcelles et les fonds restreints boostent l’inventivité des architectes. Puis vient l’embellie économique qui leur permet de tester de nouveaux concepts. Les maisons deviennent alors un terrain d’expérimentation inédit. Les années 60 voient ainsi naître des maisons d’architecte qui sont autant de modes d’expression esthétique. En effet, la diversité est de mise, depuis cette époque. Et l’avènement de la conception par ordinateur dans les années 90 renforce encore cette individualisation des maisons. Elle facilite aussi la conception dans des sites exigus, peu pratiques ou insolites.
Les matériaux évoluent de même. On passe du bois à l’acier et au béton et même au carton !
Le déclin économique des années 90 encore voit l’émergence de la légèreté et même de la transparence et du minimalisme dans les lignes directrices des architectes. Mais cette esthétique de l’austérité est un véritable défi.
La notion de longévité d’une habitation n’existe pas au Japon. La maison a toutes les chances d’être rasée au prochain changement de propriétaire. C’est le terrain qui a du prix ! Aussi, les architectes et leurs clients jouissent encore d’une extrême liberté.
C’est bien ce que montre ce « panorama des maisons d’architecte japonaises conçues depuis la seconde guerre mondiale ». Naomi Pollock y dresse le portrait d’une centaine d’habitations avec photos, plans et texte de présentation voire témoignage de propriétaires. On y découvre toute la créativité de Junzo Sakakura, Kenzo Tange, Shigeru Ban, Osamu Ishiyama, Tadeo Ando et bien d’autres encore confrontés à de multiples contraintes. Leurs créations se déploient surtout en ville comme cette maison parapluie de Kazuo Shinohara en 1961 à Tokyo, mais aussi en pleine forêt comme
celle de Kazuyo Sejima, dans la préfecture de Nagano en 1994 tout en rondeurs. Elles sont en effet de toutes les formes et de toutes les dimensions. Mais le plus remarquable est ce mélange de créativité et de tradition même dans les constructions les plus futuristes, au nom programmatique comme la maison Escalier, Ciel, Pluie/Soleil ou encore Hutte.
Un magnifique ouvrage pour amateurs comme pour initiés.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
La maison japonaise depuis 1945 de Naomi Pollock, 23X28 cm, 400 pages, 544 photographies, collection Architectures, éd. Parenthèses. En librairie le 20 octobre 2023.