Les éditions Genbu Shohô décident de lancer un nouveau dictionnaire de japonais contemporain, baptisé « La Grande Traversée ». Le jeune employé Majimé prend alors la direction de cette entreprise titanesque. Il y est secondé par Nishioka qui va, petit à petit devenir un ami. Un des premiers mots sur lequel il doit travailler n’est autre que »amour », mais, à 27 ans, il n’en a encore jamais appréhendé le sens car il n’a jamais eu de petite amie. Mais lorsqu’il rencontre par hasard, la petite fille de sa logeuse, il en tombe éperdument amoureux. Il ne sait comment se déclarer ! Une longue lettre la convaincra peut-être… Elle est elle-même seconde de cuisine et passionnée par son métier comme Majimé l’est du sien. L’aventure s’étale sur une quinzaine d’années. Elle est parsemée de péripéties telle que l’absence du mot « sang » qui nécessite de revoir tout le dictionnaire !
L’originalité du livre c’est que son centre de gravité est la rédaction de « La Grande Traversée ». Toutes les relations humaines s’y croisent. Ainsi le vieil Araki Kohei que Majimé a remplacé reste-t-il toujours présent pour superviser l’avancement de l’œuvre.
C’est aussi la rencontre de plusieurs passions : l’amour, la cuisine et la lexicologie. Elles deviennent chacune une raison de vivre et une richesse personnelle pour les personnages. C’est ce qui fait la saveur de cette œuvre à la fois instructive et divertissante. Toutes les étapes de la fabrication du dictionnaire sont finement analysées et présentées de façon réaliste et purement descriptive. Mais Shion Miura maîtrise aussi le décalage comique avec les deux amoureux qui se tournent autour sans se déclarer ou Nishioka qui taquine Majimé à propos de l’art de séduire les femmes ! On comprend que le livre ait séduit le public japonais !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
La grande traversée,Shion Miura, traduit du japonais par Sophie Refle, 288 pages, 22€, Actes Sud, le 6 février 2019.