S’il est un mantra incontournable au Japon, c’est bien celui d’obéir aux aînés, aux supérieurs hiérarchiques notamment, nous dit la journaliste Ito Shiori à la fin de son témoignage : La Boîte noire. Bien qu’elle ait intégré cette soumission dès son plus jeune âge, tout au long de son ouvrage, elle n’a de cesse que de s’opposer à ce principe.
C’est tout juste si la police accepte de prendre sa déposition sous prétexte qu’elle se présente à elle plusieurs jours après les faits. Puis très vite l’affaire est classée par le procureur suite à un rapport vidé de sa substance par la police métropolitaine de Tokyo. Yamaguchi, le violeur, est manifestement protégé en très haut lieu. Cependant, avec opiniâtreté, elle s’obstine pour que soit reconnue son agression. Par l’intermédiaire d’une conférence de presse, sans rien cacher de son identité, elle révèle son calvaire au public.
Plus qu’une déformation professionnelle, son obstination prend racine dans la nécessité que soit améliorée la prise en charge des victimes de viol. Qu’elles ne soient plus suspectées de complaisance, pour ne pas dire plus, mais aidées, et le plus rapidement possible. Le sujet ne doit plus non plus être tabou.
Ito Shiori débusque les complaisances d’un système policier et judiciaire plus préoccupé à escamoter la vérité qu’à faire son travail. Elle nous rappelle ainsi que très souvent dans son pays des négociations entre les victimes et les criminels de ce type aboutissent en dédommagements pour solde de tout compte.
L’autrice nous révèle son drame dans un style dépouillé et très analytique. Elle détaille presque chaque minute pour chercher à comprendre le décalage entre ce qu’elle a vécu et la perception qu’en ont ses multiples interlocuteurs. Jamais elle ne se plaint malgré les funestes conséquences à l’œuvre sur son corps et dans son esprit. Quoi qu’il advienne par la suite, la journaliste sait désormais de par son métier, quel combat elle doit mener.
Au travers de documentaires sur les victimes d’agressions sexuelles, elle s’investit sans relâche. Elle veut, non seulement témoigner, mais surtout que justice soit rendue à ces femmes. En 2018, elle a reçu, le Best Journalism Award pour son livre témoignage. Elle a été élue, par le Times, l’une des 100 personnalités les plus influentes de l’année 2020.
La Boîte noire, Ito Shiori, traduit du japonais par Jean-Christophe Hélary et Aline Koza, 288 p., 8,50€