La Bedondaine des Tanukis d’Inoue Hisashi paraît chez Zulma.

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L’écrivain, Inoue Hisashi (1934-2010), dans son roman, La Bedondaine des Tanukis, nous révèle toute la vie inversée de ces chiens vivérins par rapport à celle des humains.

Dans le comté d’Awa, sous le Xe shôgun Ieyoshi Tokugawa (1793-1853), le sournois intendant Hamashima Shôbei fait du chantage à un teinturier local, Yamatoya Moémon, pour obtenir sa fille, Omiyo, en concubinage pendant quelques années. En effet, son pouvoir lui donne tous les droits sur les producteurs d’indigo de la région.

Un peu plus tard, par compassion, ce père empêche un jeune tanuki de finir bouilli en guise de repas pour les humains. Par reconnaissance, la famille de ce dernier fait tout pour contrecarrer les divers plans de l’intendant concupiscent.

Mieux encore, le fils aîné des tanukis, Chûshô sous le nom humain de Chôkichi, se fait embaucher comme comptable chez Yamatoya Moémon. Au plus près d’Omiyo, sa fille, il en tombe amoureux. Le père se félicite d’avoir un tel futur gendre.

Cependant, bien que transformé en humain, son état ne lui permet pas de convoler en juste noce. S’il s’accouple avec une femme, celle-ci meurt au bout de vingt-et-un jours. Le tanuki fait donc tout son possible pour garder ses distances avec son aimée. D’autant qu’elle est tout à fait consentante et que le père monte divers stratagèmes pour surprendre son employé avec sa fille dans les bras.

Acculé, le tanuki révèle la supercherie. À la suite de quoi, il propose un marché à sa future belle-famille. S’il sort major de sa promotion de droit, il aura l’autorisation des instances “tanukiennes” de devenir un véritable humain. Ainsi, pourra-t-il pleinement épouser Omiyo.

Parviendra-t-il à ses fins ? D’autant que de nombreuses autres épreuves vont se dresser sur sa route. Sans même parler de l’intendant qui n’a pas dit son dernier mot.

“Le monde de l’imaginaire est ma réalité”, voilà le credo d’Inoue Hisashi. En effet, tout le roman n’est qu’une suite de péripéties toutes plus farfelues les une que les autres. Cependant, le récit nous fait entrer avec aisance dans le monde imaginaire des chiens vivérins. Tout y paraît logique. Jusqu’à sous entendre que les principaux héros de l’univers japonais sont issus de celui des tanukis métamorphosés en humain.

Un autre aspect captivant du récit réside dans l’analyse psychologique des humains. Par inversion, cette exploration est renforcée par celle des tanukis. Sans compter que chaque personnage est finement décrit jusque dans ses plus petites manies. Ce qui les rend infiniment concrets et vivants.

Le tout est formidablement bien rendu par l’intermédiaire d’une forte et riche densité narrative. L’invention des situations ne cesse de nous immerger plus avant dans un monde fantastique. On baigne bien dans l’esprit surnaturel du Japon d’antan, fortement influencé par les yokais (1). Autre spécificité de l’univers traditionnel fantastique de l’Empire du Soleil levant.

Bien sûr, tout au long de cette épopée à la fois fantastique et burlesque, la drôlerie des péripéties n’a d’égale que l’inventivité sans limites de son auteur. Jusqu’au titre qui renvoie à notre Rabelais national.

D’ailleurs, si nous pouvons aussi bien apprécier cette œuvre en France, c’est grâce à son traducteur, Jacques Lalloz. Celui-ci choisit, en effet, avec un soin tout particulier les ouvrages sur lesquels il travaille. Tout comme il cisèle le récit du Japonais pour nous en restituer toute la truculence.

Assurément, une épopée aussi complexe qu’extravagante qui, par sa singularité, nous permet d’échapper à notre sombre époque durant quelques heures.

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

(1) Lire notre chronique : https://asiexpo.fr/yokai-fantastique-art-japonais-de-brigitte-koyama-richard-est-paru-aux-nouvelles-editions-scala/

La Bedondaine des Tanukis d’Inoue Hisashi, 480 pages, 24,50€, éd. Zulma. En librairie le 22 août 2024.

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