Pour un 1er long-métrage c’est un coup de maître ! Premier film pakistanais à concourir au festival de Cannes, il a reçu le prix du jury dans la section « Un certain regard » et la « queer palm », plus anecdotique.
À Lahore, Haider est marié à Mumtaz. Elle travaille et lui reste à la maison familiale où il s’occupe de ses 3 nièces. La femme de sa sœur va encore accoucher et la famille s’agrandir. Sommé par son père de trouver un travail, il s’improvise alors danseur dans un « cabaret érotique » et tombe vite amoureux de Biba, la danseuse transe qui mène sa troupe à la baguette.
La chronique familiale est lancée, à la fois joyeuse et colorée. Elle devient carrément culottée quand, sans ambiguïté et sans fard, Saim Sadiq met à plat les désirs de chacun. Certains sont en porte à faux total avec la société patriarcale en vigueur. En effet, Haider doit être un homme viril qui sait égorger un mouton et édicter sa volonté à sa femme. Mumtaz doit rester à la maison et faire des enfants. Quant à Biba, elle ne peut être une vraie femme et doit rester une simple « curiosité ».
Ainsi chacune de ces personnalités atypiques se retrouve seule face à ses désirs et doit composer avec les diktats. C’est dans ces compositions que le réalisateur donne le meilleur à ses personnages. Ainsi cette scène magnifique dans le métro. Haider vient s’asseoir dans le compartiment des femmes parce que Biba n’y est pas acceptée . Il fait alors un rempart de son corps pour qu’elle puisse y rester. Ou bien ce moment de partage, de sororité, entre les 2 belles-sœurs venues se détendre au parc d’attraction « Joyland » justement. Ce nom si ironique qui donne son titre au film.
Il faut donc suivre de près ce jeune cinéaste talentueux de 31 ans. À travers ces portraits si justes tant dans les premiers rôles que dans les secondaires, le père n’est jamais caricatural dans son rôle de patriarche, Saim Sadiq met en scène une jeunesse qui aspire à la liberté avec une sensibilté exceptionnelle. Il atteint ainsi la vérité nue de chacun.
En bonus, le DVD et Blu-Ray propose une interview du réalisateur et un court-métrage intitulé Darling du nom de la danseuse transe qu’il met en scène, déjà incarnée par Alina Khan comme dans le long-métrage.
À découvrir absolument.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Joyland, scénario : Saim Sadiq, avec Ali Junero, Alina Khan, Rasti Farooq… Pakistan, 2022, DVD et Blu-Ray distr. Condor Films.