Qui s’intéresse au Japon sait combien l’artisanat atteint des sommets de qualité. Les éditions EPA , au travers de l’unique ouvrage qu’elles consacrent à l’Archipel, Japon, l’artisanat en héritage, se font fort de nous émerveiller plus encore. En effet, au travers d’un parcours sur tout le territoire, elles nous permettent de rencontrer ses plus fins artisans. Ils sont bien souvent « trésor vivant », de stature nationale voire internationale.
Chacun d’entre nous a une petite idée concernant la fabrication de bol, de sabre, d’arc ou de kimono. Si, bien sûr, l’ouvrage nous présente les meilleurs spécialistes de ces domaines, il nous ouvre grandes les portes d’un passé toujours persistant mais bien moins connu. Les objets façonnés par ces maîtres sont aussi splendides qu’inattendus.
Bien que le travail du bambou take soit multimillénaire au Japon, entre les mains expertes de Masako Takae, cette graminée si particulière se métamorphose en sacs de luxe à la patine chatoyante. Comme ils se vendent bien et à un prix de plusieurs milliers de dollars, il a pu créer un atelier pour former des apprentis. De plus la ville d’Oita, où il demeure, abrite l’unique école spécialisée dans ce matériau. De quoi assurer un avenir serein à cette production naturelle.
À Tokyo, le cerf-volant d’Edo, (ancien nom de la capitale) l’Edo kaku dako, trouve en Mikio Toki l’un de ses derniers fabricants. De notoriété mondiale, depuis plus de quarante ans, il porte haut le savoir faire et l’esthétique raffinés de ces objets volants identifiés. Non seulement, il les construit, mais il les décore. Il applique en effet la technique de sumi-e (1) pour représenter des créatures mythiques, des acteurs de kabuki ou encore des batailles historiques.
Dans la région de Chibu, Seiichi Nasu, quatre-vingt-huit ans, construit des bateaux de pêche au cormoran : des ukai. Depuis son plus jeune âge, il réalise de mémoire ces objets à la suite de son père. Grâce à son savoir faire, depuis vingt cinq générations, les pêcheurs s’adonnent à cette technique traditionnelle.
Nous voilà à Hokkaïdo, l’île septentrionale de l’Archipel. Plus précisément dans la petite Ville de Biratori où Mamoru Kaizawa exerce son talent. D’origine aïnou (le peuple autochtone de l’île), il grave des plateaux en bois pour servirde lanourriture,des Nibutani Ita. Ils sont composés des quatre éléments graphiques stylisés de la nature. Ces panneaux du plus bel effet sont rehaussés par endroit d’une patine brune. Elle accentue encore l’effet de relief par un contraste subtil.
Hashimoto est le haut lieu de la fabrication des cannes à pêche Kishuu Herazao. Mamoru Yoneda est le responsable du syndicat local. Il exerce son métier depuis trente-sept ans. Plus que son savoir-faire, c’est sa finesse d’analyse pour choisir le meilleur bambou koyadake dans les forêts du mont Koya, justement, et qui fait de lui un maître en la matière.
Grâce à la précision des explications de sa maîtrise, Yasuhiro Sanemori nous permet de suivre en direct la fabrication de pinceaux Kumano Fude. Produits à 80 % dans la Ville de Kumano depuis 1830, ces objets servent à la calligraphie, bien sûr, mais sont aussi vendus par les plus grandes sociétés de maquillage. La finesse du poil n’a d’égal que l’esthétique du rendu graphique.
L’ouvrage est ainsi découpé en 8 grandes régions dans lesquelles 33 métiers d’art sont mis en relief. Des textes courts, mais très instructifs et précis accompagnent des photographies pleine page pour nous guider dans ce musée vivant.
Pour mieux nous orienter, une carte détaillée des différents sites de production est une aide précieuse. Un sommaire aussi riche qu’esthétique l’accompagne.
Au pays passé maître dans la technologie de pointe, il est rassurant de constater que les traditions sont pérennisées. Ceci grâce à de généreux artisans conscients de leurs talents et de l’avenir. Ils savent également transmettre les plus fines subtilités de leur travail. Gageons que l’artisanat nippon, nous émerveille pendant longtemps encore.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) Lire notre chronique sur Sumi-e : https://asiexpo.fr/sumi-e-lart-japonais-de-la-peinture-a-lencre-de-chozo-koike-est-paru-chez-nuinui/
Japon, l’artisanat en héritage, 320 pages, 45€, éd. EPA.