Responsable de la programmation musicale au sein du festival “Nocturnes Indiens / Etoiles & Toiles d’Asie”, Pascal Burianne, président de l’association “La Musique des Autres” est un des spécialistes français de la musique indienne.
1 – Es-tu plutôt un passionné de l’Inde ou de la musique de l’Inde ?
Passionné de l’Inde, oui. Ce qui m’a conduit, à m’intéresser à l’aspect musical indien qui est en soi un vaste et très riche monde aussi bien instrumental, technique, stylistique, mais aussi un support à la transmission des épopées, des mythes et légendes. D’autre part, je m’informe sur l’Inde contemporaine : économie, politique, développement social, cinéma et littérature. Pour concrétiser cette passion, je me suis naturellement retrouvé à organiser des concerts : quel bonheur de pouvoir écouter sur scène des musiciens souvent connus par leurs disques. Ce répertoire est peu diffusé à Lyon, c’est donc un champ d’application pour La Musique des Autres.
2 – Comment est née cette passion ?
Pour avoir séjourné en Inde. Lorsque l’on réside dans un pays, les éléments qui composent sa culture générale viennent naturellement à vous. On compare, puis on relativise et on tombe dans la passion.
3 – As-tu suivi une formation musicale ? Joues-tu d’un instrument de musique?
C’est une question que l’on me pose souvent. Non je n’ai pas de formation musicale, je me définis comme un mélomane. Je ne pratique pas d’instrument, à part le chant sous la douche !
4 – Quelle est la vocation de l’association “La Musique des Autres” ?
La Musique des Autres existe depuis 1993, et a pour objet la promotion des cultures traditionnelles. C’est vaste. Cette volonté se manifeste par l’organisation de concerts, de spectacles de danse, conférences, … D’autre part, nous proposons à nos adhérents des voyages en Inde hors des sentiers battus. Quant au nom pourquoi La Musique des Autres ? En tant qu’individu, les Autres, ce sont ceux qui sont très proches et aussi très loin. De fait, c’est tout le monde, alors comme partout il y a quelqu’un qui chante ou joue d’un instrument, le catalogue des découvertes possibles est immense.
5 – Comment sont perçus les musiques et les musiciens indiens en France (organisation de concerts, diffusion des disques, …) par rapport à d’autres pays? D’après toi, quels sont leurs devenirs ?
Les musiciens indiens, sont depuis des décennies, accueillis dans des concerts de toutes dimensions. On doit beaucoup à Alain Daniélou, remarquable indianiste, d’avoir su lancer des concerts, qui aujourd’hui se programment sous le nom de world music, traditionnels ou autres. Aujourd’hui, les musiciens donnent des concerts soit dans des lieux dédiés aux musiques traditionnelles, soit ils sont intégrés dans une programmation de saison comme un élément de diversité d’un théâtre ou d’un centre culturel. Cela signifie que ces musiques sont de plus en plus écoutées. Il y a donc une demande de la part du public, qui découvre et devient fidèle dans sa curiosité d’aller vers d’autres formes musicales. Quant à la diffusion des disques, la mode “musique traditionnelle” met sur le marché une profusion de disques, à nous de trier. Je donne ma préférence aux concerts, à la musique “live” accessible et attractive qui permet ensuite de se tourner vers le disque. D’ailleurs, les enregistrements de concerts sont souvent les meilleurs exemples des musiques traditionnelles. Quant aux autres pays, je pense que le phénomène est similaire. En particulier, les pays qui étaient colonisateurs, et qui comportent dans leur population actuelle des communautés venant de leurs anciennes colonies, et qui nous apportent leur culture aussi bien musicale que gastronomique, littéraire, … tout cela nous incite à montrer ces cultures et à comprendre les différences et donc les apprécier.
L’avenir des musiciens indiens est immense : on peut programmer l’Inde toute sa vie, vus la taille, le caractère ancestral et la diversité de sa culture.
6 – Quels sont les labels ou disquaires importants ?
Les maisons de disques sont nombreuses : on peut choisir entre autre Ocora Radio France, Realworld, Network qui font un excellent travail dans le choix et la présentation des pochettes et textes de leurs disques, ne pas oublier Nimbus Records qui possède un catalogue important de musiques classiques indiennes. Water Lily Accoustic présente parfois des raretés comme le bluesman Taj Mahal jouant des traditionnels américains avec des musiciens indiens, résultat étonnant. Et puis pour découvrir des artistes moins connus, les éditions du Makar sont idéales.
7 – Pour une personne novice en musique indo-pakistanaise qui souhaiterait s’initier, quels sont tes conseils ?
En premier lieu assister à un concert, ce qui permet de voir les instruments et leurs utilisations. Et si possible de débuter par un concert de musique plutôt que vocal, un peu plus difficile à aborder au début. Pour s’acclimater aux sonorités et rythmes, les musiques populaires comme celle du Rajasthan, sont idéales pour rencontrer la musique indienne. Enfin, il existe quelques bons livres, parfois un peu techniques, qui situent et expliquent la musique indienne dans ses origines, ses styles et influences (Musiques de l’Inde du Nord – Editions du Makar par exemple).
8 – Quels sont les grands maîtres ?
Tous ceux que l’on aime pour quelques raisons. Pour ne citer que les connus et reconnus, commençons par son ambassadeur depuis le début des années 60 : Ravi Shankar (sitar), Hari Prasad Chaurasia et N. Ramani (flûte), Zakir Hussain (tabla), Amjad Ali Khan et Ali Akbar Khan (sarod), Bismillah Khan (shahnai), L. Subramaniam (violon), Ram Narayan (sarangi), Shiv Kumar Sharma (santour), Viku (ghatam), …
Le chant est particulièrement bien représenté par Lakshmi Shankar, Kishori Amonkar ou Shoba Gurtu pour les femmes, et les frères Dagar, Pandit Jasraj, Bhimsen Joshi, …
9 – Si tu partais sur une île déserte, quels sont les 5 disques que tu emporterais avec toi ?
L. Subramaniam (Ragam Tanam Pallavi, Anthologie de la Musique Classique de l’Inde du Sud, Ocora 90), Chembai Vaidyanatha Bhagavathar (chant carnatique, Columbia 69), Hariprasad Chaurasia et Zakir Hussain (Ragas du Nord et du Sud, flûte et tabla, Musidisc 92), Musiciens & Poètes du Rajasthan (Long Distance 93) et Amjad Ali Khan (Raga Kamalshree, Music Today 91).
10 – Quels sont tes projets pour la saison 99 ?
Nous tentons de mettre en place pour octobre prochain, une tournée en France, avec le flûtiste Raghunath Seth, en automne, nous préparons un voyage au Rajasthan ; quant à novembre nous serons bien entendu sur le festival “Nocturnes Indiens” à Lyon.
Vous pouvez joindre Pascal et La Musique des Autres au 04 78 39 16 26
Pays : France