Sorti en 1953, le film est une fiction qui pour la première fois, montrait aux Japonais, toute l’étendue des conséquences de la bombe nucléaire du 6 août 1945. Il s’inspire de témoignages écrits de survivants. Notons aussi qu’il fut produit et distribué en dehors du système des studios, par le syndicat des enseignants japonais. C’est d’ailleurs le personnage d’un professeur de lycée qui sert de Candide. Il représente, en réalité, l’ignorance voire le doute des Japonais qui n’ont pas vécu le cataclysme. C’est lorsqu’une de ses élèves saigne du nez qu’il prend conscience des conséquences de l’explosion. En effet, la jeune fille est atteinte de leucémie : la maladie atomique due aux seules radiations (1).
Le film n’a pas connu de succès commercial car il était jugé trop antiaméricain. Alors qu’il présentait la bombe comme un crime contre l’humanité, les occupants restés au Japon de 1945 à 1952 l’ont censuré. Seuls les passages qu’en a repris Alain Resnais dans Hiroshima mon amour étaient connus. Le cinéaste français reprendra même l’acteur Eiji Okada qui jouait le professeur pour interpréter le rôle masculin du scénario de Marguerite Duras.
Le film joue sur les temporalités. Le début des années 50 avec son lot de reconstructions, de pélerinages pour la paix, de recueillements et de témoignages. Le flash-back sur le 6 août 1945, un petit matin comme les autres où les enfants vont à l’école, les parents au travail, la nature s’éveille. Et en une fraction de seconde, l’apocalypse ! S’ensuivent des scènes interminables de destruction, de souffrances, de pérégrinations d’une humanité dévastée. D’esthétique résolument expressionniste, elles témoignent sans concession de l’enfer dans lequel est plongée la ville et ses habitants.
Merci donc aux éditions Carlotta de nous donner l’opportunité de découvrir ce film en haute définition. Il est une dénonciation criante de l’horreur de la guerre.
Le documentaire Hiroshima, le cinéma et l’imaginaire du nucléaire au Japon vient compléter cette édition. Jasper Sharp, spécialiste du cinéma japonais y explique comment ce dernier a joué un rôle primordial dans la création de l’imaginaire de la guerre nucléaire à travers la représentation de la catastrophe d’Hiroshima.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) Sur le même sujet, on peut lire notre chronique : https://asiexpo.fr/lhistoire-authentique-de-sadako-sasaki-et-des-mille-grues-de-sue-dicicco-et-masahiro-sasaki/
Hiroshima, 1953, Japon, 104mn, Noir et Blanc, de Hideo Sekigawa, avec Isuzu Yamada, Eiji Okada, Yoshi Kato… 20€, éd. Carlotta.