Harmonium de Kôji Fukada

ciné

Le conflit familial dans lequel prend place le récit d’Harmonium rappelle les drames d’Hirokazu Kore-eda. Ici l’histoire d’un meurtre qui pèse sur une famille entière fait penser à Still Walking où une mère perd son fils lorsque celui-ci sauve un homme de la noyade. Le rescapé vient chaque année voir la famille. Celle-ci ne le ménage pas, surtout la mère, qui lui fait ressentir un terrible sentiment de culpabilité.

L’actrice d’Harmonium, Mariko Tsutsui, a un jeu similaire à Kirin Kiki (la mère) dans Still Walking. On n’a pas encore beaucoup vu Mariko Tsutsui sur le grand écran. Mais c’est un choix judicieux de la part de Kôji Fukada qui semble avoir l’œil pour les bonnes actrices. On se rappellera le cas de Fumi Nikaidô qui avait joué dans Au revoir l’été (2013), elle est maintenant une actrice très populaire au Japon. Ce que j’apprécie chez Mariko Tsutsui, c’est cette double capacité qu’elle possède, pouvoir retenir ses émotions, comme être capable de les faire exploser. Son jeu n’est jamais figé, ce type de jeu d’acteur est le meilleur selon moi pour un personnage qui va être conduit au bord de la folie.

Dans le nouveau film de Fukada, on retrouve le même pessimisme que dans Au revoir l’été, si ce n’est qu’ici il est plus sombre encore. Cependant le film est parcouru du début à la fin par des traits d’humour très fins. Ils traversent les dialogues et les réactions des personnages face à certaines situations. Néanmoins le scénario est construit de telle manière que jamais l’humour ne vient briser une scène dramatique.

Les scènes dramatiques avec force larmes et de cris nous gênent beaucoup, on aurait voulu ne pas les voir. Quand on est témoin de la mère et de sa fille au bord du suicide, on est d’emblée déçu par la tournure du récit. On se sermonne par la suite, car Kôji Fukada semble avoir mûrement réfléchis son sujet. En fait il s’amuse avec le spectateur en amenant ses personnages à des scènes clichés, desquelles il parvient à faire jaillir la réalité en les poursuivant, en les transformant. Là où d’autres réalisateurs auraient coupés la scène, il poursuit et pousse ses personnages jusqu’au bout.

L’harmonium c’est le symbole de la morale, chargé d’une dimension religieuse c’est lui qui insinue par sa sonorité la culpabilité au personnage. C’est aussi par lui que Monsieur Yasaka se rapproche d’Hitomie et obtient l’occasion de lui faire du mal.

Harmonium est un film sur la culpabilité. C’est l’histoire d’un homme vivant paisiblement avec un crime sur la conscience. Sans rien en laisser paraître comme le joue si bien cet acteur, Kanji Furutachi, incroyablement juste.

La désolation de sa famille est la punition à laquelle il a échappé par peur, mais qu’il a toujours souhaitée pour apaiser sa conscience.

Malgré tout à la fin le récit change de ton, il n’est plus aussi réaliste qu’au cours du développement. Des touches de l’ordre du rêve et de l’illusion commencent à apparaître dans l’œuvre, ouvrant le film de Kôji Fukada vers d’autres horizons cinématographiques.

Harmonium, long-métrage japonais de Kôji Fukada, sortie 2016 au Japon. Sortie courant 2016 en France.

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